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Dans les coulisses

Le succès du noyau des Oilers ne doit pas justifier un statu-quo des Maple Leafs

J’ai entendu dire, quelque part, que le parcours des Oilers d’Edmonton jusqu’en finale, ce printemps, justifiait un statu-quo des Maple Leafs au cours de la saison morte actuelle.

C’est vrai que les parallèles ont été nombreux entre les Oilers et les Leafs, au cours des dernières années.

À travers les brigades défensives douteuses et les problèmes entre les deux poteaux, entrelacés avec un star power indéniable à l’attaque, les deux clubs ont partagé plusieurs similitudes durant nombreuses des dernières saisons mortes durant lesquelles on s’est demandé quand l’un des deux noyaux allait imploser.

Bon. La confiance des dirigeants envers leurs piliers a mené Edmonton à une seule victoire de la Coupe Stanley. À titre comparatif, les 15 gains des Oilers en 2024 représentent plus que le nombre de victoires des Maple Leafs en séries… lors des quatre dernières saisons.

La foi n’a pas mené les deux franchises au même endroit.

J’imagine que la logique derrière cette affirmation concerne la patience, la constance et la confiance. Je suis normalement assez d’accord avec ces principes, qui suggèrent qu’une équipe championne ne se bâtit pas en une seule saison et que modifier constamment les ingrédients principaux ne font que retarder l’élaboration de la recette parfaite.

Ceci dit, cette philosophie s’applique à ce que l’on veut perfectionner à partir d’une base solide.

Si ton mix a trop de farine, pas assez d’œufs et un peu trop de lait, et que c’est la sixième fois que tu essaies de réussir la consistance d’une crêpe… Lâche l’essence de vanille pis la cannelle, pis change tes proportions de base. 

Le gros bon sens

Pardonnez-moi l’utilisation de ce slogan, mais ça me semble s’appliquer ici, d’un point de vue purement hockey et aucunement conservateur.

Commençons donc avec le gros bon sens, c’est-à-dire ce qui s’explique sans avoir besoin de statistiques bien bien poussées.

Il est évident que le noyau des Oilers a offert aux décideurs des raisons d’y croire. Avant de se rendre en finale de la Coupe Stanley (ce qui n’est pas l’objectif ultime, entendons-nous), Connor McDavid a mené les siens en finale de l’Ouest en 2022, avant de s’incliner contre les champions en deuxième ronde, en 2023.

Les Panthers se sont inclinés en finale avant de soulever le trophée. Les Golden Knights ont participé à deux carrés d’as et une finale avant d’être champions. L’Avalanche avait accédé au deuxième tour lors de trois saisons consécutives avant de se rendre jusqu’au bout. Et dans le cas du Lightning, on parle d’une finale, de deux carrés d’as et d’un échec difficile contre les Blue Jackets en première ronde, avant de remporter deux bagues de suite.

L’adversité renforce le caractère.

Une seule série de première ronde remportée en huit ans, ce n’est pas de l’adversité. C’est une série d’échecs qui nécessitent clairement du changement.

Des noyaux très différents

Vous comprendrez que je ne suis pas d’accord avec l’affirmation citée dans la première phrase.

Ce serait toutefois intéressant de le démontrer avec des chiffres.

D’abord, analysons les partis concernés : le noyau des Oilers, et le noyau des Maple Leafs.

Dans le cadre de l’exercice, concentrons-nous sur la base offensive de la recette. À Toronto, la fenêtre ouvre avec la signature de John Tavares, en 2018, depuis accompagné d’Auston Matthews, Mitch Marner et William Nylander. À Edmonton, Leon Draisaitl et Ryan Nugent-Hopkins sont les deux seuls attaquants restants de l’année recrue de Connor McDavid.

1 – Les montagnes de cash (et ce qu’il en reste)

Un noyau de quatre étoiles qui gagne pour 46,65 millions de dollars par saison laisse moins d’argent sur la table – 42,91 millions – pour bâtir le reste de la brigade défensive et le tandem de gardiens, à Toronto.

À Edmonton, les trois attaquants des Oilers gagnent 26,5 millions de dollars par saison.

Notons que même si l’on extrapole sur quatre joueurs, on arrive seulement à 35,3 millions de dollars, plus de 10,3 de moins que les Leafs. Et si l’extrapolation ne fait pas votre affaire, Zach Hyman gagne 5,5 millions, ce qui donne un chiffre de 32 millions par saison pour les quatre meilleurs attaquants du clubs.

2 – Nuge a-t-il sa place dans la conversation?

À ceux qui diront que Ryan Nugent-Hopkins est le pire des sept joueurs évoqués, sachez que depuis 5 ans, il cumule la même moyenne de points par match (0,92) que John Tavares.

3 – La crème de la crème produit

Même si RNH est le pire des sept, les Oilers ont les deux meilleurs des sept. Ce n’est pas comme si Auston Matthews et Mitch Marner habitaient sur la même planète que Connor McDavid et Leon Draisaitl, quand ça compte.

Depuis cinq ans, Connor McDavid (108 points en 61 matchs) et Leon Draisaitl (92 points en 61 matchs) inscrivent, à deux, un total de 3,27 points par match en séries.

Le Core Four des Leafs? 3,44 points par match. Divisé en quatre, je le rappelle.

4 – La crème de la crème partage 

C’est encore pire lorsqu’on parle de distribution de la rondelle.

Connor McDavid (76 passes en 61 matchs) et Leon Draisaitl (57 passes en 61 matchs) cumulent plus de mentions d’aide par rencontre (2,16) que les quatre meilleurs joueurs à Toronto (2,09).

Ajoutez donc Nugent-Hopkins, maintenant. Le chiffre gonfle à 2,83 passes par match.

En distribuant la rondelle, McDavid et Draisaitl (qui sont capables de marquer 50 ou 60 buts s’ils le veulent) et Nugent-Hopkins (un passeur naturel) laissent beaucoup plus de chances à des joueurs complémentaires de contribuer de façon importante aux succès de l’équipe.

Au cas où vous doutiez de l’échantillon, sachez que le résultat est aussi révélateur en saison régulière. 

5 – Partager est la clé

On s’approche de quelque chose.

Les Maple Leafs accordent beaucoup de pression à leurs gros canons pour marquer des buts. Au cours des cinq dernières saisons, le Core Four a marqué plus de buts que les seize autres joueurs de l’équipe, en saison régulière.

À Edmonton, le trio McDavid-Draisaitl-RNH s’est retrouvé dans une posture similaire de 2018 à 2023. À trois, ils venaient presque accoter les dix-sept autres joueurs des Oilers.

C’est en 2023-2024 que la donne a changé, comme vous allez pouvoir le constater sur ce graphique.

Et c’est là qu’un joueur complémentaire – Zach Hyman, ironiquement un ancien des Leafs – peut obtenir les opportunités nécessaires pour devenir un joueur d’impact qui connaît tout de même son rôle.

Répétons-le : McDavid et Draisaitl peuvent gagner le Maurice-Richard.

Ils peuvent aussi faire briller leurs coéquipiers et se rendre en finale de la Coupe Stanley grâce à l’aide de joueurs complémentaires.

À travers la récolte de points légendaires de Connor à travers quatre rondes de séries intenses, notons qu’il n’a marqué que 8 des 86 buts de son équipe. Même avec Leon, le chiffre n’est que de 18, soit 20,1% de la production totale. Hyman (16), Nugent-Hopkins (7), Bouchard (6), Ekholm (5), Holloway (5), Henrique (4), Kane (4), Janmark (4), McLeod (4), Ceci (2), Brown (2), Nurse (2), Broberg (2), Perry (1) et Kulak (1) ont contribué à un effort d’équipe considérable pour accomplir ce qu’ils ont accompli.

Le statu-quo 

Non seulement les proportions de la recette sont douteuses, à Toronto, les ingrédients ne sont peut-être pas faits pour être mélangés ensemble dans un même plat.

Ce n’est pas impossible qu’ils nous fassent mentir, mais il semble évident que qu’un changement important serait la prochaine étape, de manière logique.

Alors si Mitch Marner refuse de lever sa clause de non-échange, Brad Treliving a les mains liées.

Or, l’histoire des Oilers ne devrait pas constituer une lueur d’espoir réfléchie pour les Maple Leafs.

La note de bas de page

Il est difficile de matérialiser l’essence d’une équipe et les raisons expliquant ses succès et ses échecs, considérant les différences de composition et la balance à faire entre l’offensive, la défensive et le gardien devant ton filet. 

L’objectif de cet article, à travers un angle plutôt axé sur l’attaque, est simplement de faire cheminer notre perception de ces deux équipes fortement analysées depuis qu’ils ont chacune entrepris des reconstructions d’importance.