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Dans les coulisses

Analyse de Beckett Sennecke : le CH devrait-il le considérer au 5e rang?

J’avais dit lors de mon dernier article sur Brandsegg-Nygard que j’allais vous revenir sur Beckett Sennecke, l’espoir des Generals d’Oshawa qui fait de plus en plus de bruit en vue du prochain repêchage.

Si Brandsegg-Nygard est selon moi le joueur le plus sous-estimé du « top-20 », de l’avis de plusieurs Sennecke est le plus gros « riser » ou, si vous préférez Molière, celui qui a connu la plus belle ascension lors derniers mois.

Il ne faudrait cependant pas oublier le compatriote de Brandsegg-Nygard, Stian Stolberg, le mobile, talentueux et robuste défenseur norvégien qui a fait écarquiller bien des yeux lors du présent Championnat mondial et que plusieurs voient maintenant en première ronde… On aura aussi une petite pensée pour le petit ailier américain Teddy Stiga, épatant au U18.

L’absence de Sennecke en finale de la OHL contre London (suite à une blessure au 6e match de la demi-finale contre North Bay) et le fait que ses Generals se soient fait varloper en 4 petits matchs par les Knights ont même contribué à faire augmenter sa valeur.

Les Generals ont carrément manqué de «punch aux fruits » en finale. Calum Ritchie semblait se sentir bien seul sur la glace sans le grand #45 à ses côtés…

Et non – avant que la fanfare démarre ! – bien que riser de la dernière heure, Sennecke n’est pas un Kotkaniemi 2.0 pour autant!

On reviendra à cette crainte pathologique à la fin de l’article…

Allons-y donc d’une petite analyse rapide pour ceux et celles qui le connaîtraient un peu moins.

Patinage : Fluide, élégant, agile, sans effort, assez bon équilibre considérant sa vertigineuse poussée de croissance récente, genoux toujours fléchis dans le bon angle, base assez large, excellent de reculons. Bonne latéralité. Entre 2 et 4 ans, le très jeune Sennecke a appris les rudiments de la glisse lors des cours de patinage artistique de sa sœur ainée, tout ça en patins de hockey! Pour l’équilibre, la technique et l’agilité, il n’y a pas de meilleure façon d’apprendre, si vous voulez mon avis! Du reste, son explosion, déjà pas vilaine, s’améliorera en prenant davantage de masse musculaire dans le bas du corps.

Gabarit et force physique: À 6’2, 17 Il présente une assez bonne force physique considérant qu’il s’acclimate à son « nouveau corps », lui qui a grandi d’environ 5 pouces depuis 2 ans. Avec une mère athlétique de 6’0, ancienne joueuse de l’équipe nationale de volleyball, et un père allemand de 6’3, fiston pourrait facilement mesurer 6’4 et peser plus de 210 lbs à pleine maturité. Très, très semblable à Kirby Dach…

Maniement de rondelle : Sennecke présente une des meilleures paires de mains de tout le repêchage avec les Celebrini, Demidov, et Stiga. Mais la portée exceptionnelle de Sennecke apporte un élément assez spécial à ce qu’il peut faire avec la rondelle, lui qui est capable de manœuvrer tout aussi bien très loin et très près de son corps. Cela dit, est-ce que toutes ses percées et ses mouvements latéraux à l’emporte-pièce se traduiront bien dans la LNH?

Jeu défensif : Sennecke possède un excellent bâton et avec sa longue portée, il soutire de nombreuses rondelles et coupe plusieurs jeux de l’adversaire. Il pourrait être un peu plus intense et jouer avec un peu plus d’urgence lorsqu’il n’a pas la rondelle, mais il est aussi plutôt cérébral et ne patine pas partout pour rien. Avec l’expérience et du coaching, on peut donc voir un assez beau potentiel défensif au niveau de la LNH. Pour l’instant son QI hockey défensif est donc « correct », sans être exceptionnel.

Jeu offensif : Avec son agilité sur patins, ses mains, ses feintes et sa vision, Sennecke excelle lorsqu’il a la rondelle. Lorsqu’il n’essaie pas de trop en faire, un petit défaut qu’il corrige peu à peu, et qu’il utilise autant sa vision que ses mains, il parvient à faire des passes lumineuses (souvent du revers!). Même s’il pense parfois un peu trop, on voit qu’il recherche souvent le fameux « meilleur jeu », une qualité qui démarque souvent les joueurs offensifs  « corrects » des vedettes offensives. Ses qualités, bien présentes à 5 contre 5, sont encore davantage mises en évidence lorsqu’il évolue à la pointe droite en avantage numérique. On notera que Sennecke a produit 60 points à ses 44 derniers matchs dans la OHL en incluant les séries… Au total il a produit 90 points en 79 matchs cette saison… Un peu comme pour son QI défensif, son intelligence offensive montre un beau potentiel de développement, mais il n’est vraiment pas le meilleur du repêchage à ce niveau en ce moment.

Lancer : Sennecke présente un solide tir sur réception ainsi qu’un bon tir du poignet qu’il dégaine souvent en rapprochant le disque de ses patins à la Phil Kessel. Mais ses lancers du poignet sont tout de même assez souvent bloqués car il ne dégaine pas nécessairement à la vitesse de l’éclair comme certains autres espoirs de ce repêchage (Eiserman et Iginla, par exemple). Je suis toutefois convaincu que son lancer peut devenir une force dans la LNH avec le temps et l’entraînement.

Attitude/caractère : On entend rien de vraiment d’alarmant au niveau de son attitude et de son caractère. Comme plusieurs joueurs de haut niveau dans les dernières années, il vient d’une bonne famille très aisée de la région torontoise avec tout ce que ça peut impliquer de privilèges. Sa mère est même devenue une genre de star canadienne du design d’intérieur comme nous l’apprenait Anthony Martineau de TVAsports dans un excellent article sur Sennecke…

Cela dit, son jeu sur la patinoire laisse voir un joueur pas toujours aussi engagé qu’on le voudrait par moments. Il y a donc encore place à amélioration, mais son langage non verbal semble adéquat.

Je ne dirais cependant pas que Sennecke se démarque par son attitude et son caractère, ce n’est pas une grande force, mais il ne semble pas être un « cas problème ». Pas de drapeaux rouges dégoulinant à la Trevor Connolly ici…

Où classer Sennecke?

Avis à tous les « Thomas », Sennecke est un joueur « darling » pour les amateurs de projections et non pour ceux qui ont besoin de voir ce qu’un joueur peut faire dans la LNH… avant d’être repêchés!

Des fois, les projections se matérialisent comme dans le cas de Slafkovsky, des fois ça fait patate comme pour Kotkaniemi. C’est alors qu’il faut revenir aux éléments fondamentaux ainsi qu’au fameux caractère et à l’environnement du joueur pour évaluer un peu mieux ses chances de réussite.

Au niveau hockey, Sennecke semble avoir tous les éléments de base d’un futur très bon ailier top-6. Il est même carrément avantagé par la nature. Au niveau du caractère, je serais personnellement un peu moins convaincu.

Cela dit, en jouant le jeu des projections – on n’a pas le choix avec un gars qui commence à peine à apprivoiser son corps – je placerais avec confiance Sennecke devant les Helenius, Eiserman et Connolly de ce monde pour l’insérer dans la catégorie des Iginla et Brandsegg-Nygard et pas si loin de Lindstrom.

Grant McCagg et Rocca Zappia ont d’ailleurs assez bien résumer le débat Lindstrom/Sennecke sur leur podcast. On voit aussi plein de séquences spectaculaires de Sennecke, une machine à faits saillants! Je suis cependant moins emballé que McCagg à son sujet…

Sennecke est moins engagé et intense que Lindstrom, Iginla et Brandsegg-Nygard et son jeu est un peu moins mature et « pro », mais il est aussi le moins mature physiquement des trois et celui qui est encore le plus loin de son plafond.

Il se pourrait donc fort bien qu’il soit le plus talentueux ou celui qui possède le meilleur potentiel offensif de ces quatre joueurs. Les trois autres me plaisent tous à différents degrés comme vous le savez depuis mes articles de février.

Un trop gros risque pour le CH au 5e rang?
Le CH ferait-il une erreur épouvantable en choisissant Sennecke 5e, lui qu’on voyait rarement dans le top-15 il n’y a pas si longtemps?

La réponse courte : Non. Il mettrait la main sur un des joueurs les plus talentueux du repêchage, en plus d’être potentiellement un des attaquants les plus imposants à maturité. En partant, c’est difficile d’être carrément dans le champ avec ça!

Du reste, tout considéré, aucun attaquant ou défenseur qui devrait normalement être disponible au 5e rang ne sera à des années lumières de Sennecke.

On entend et lit déjà la désormais classique crainte du Kotkaniemi 2.0, déjà un disque usé en 2022 avec Slafkovsky et encore évoqué lorsque je parle de Brandsegg-Nygard comme d’un ailier tout à fait légitime du top-10…

À 18 ans, Sennecke est déjà un bien meilleur patineur que ne le sera jamais Kotkaniemi. Il reste juste à mettre un peu plus de viande autour de l’os.

Sa vision, ses instincts, ses mains, son tirs, ses qualités de passeur, tout ça est aussi meilleur, même s’il y a encore place à amélioration.

À terme, s’il gagne un peu en force et en intensité, il pourrait ressembler à un mélange de Mark Scheifele et Kirby Dach. Mais, comme d’autres l’ont dit, Jason Spezza est également un comparable pertinent au niveau du style.

Bref, Sennecke pourrait commencer à ressembler à une « option optimale » pour une équipe qui recherche ouvertement… un attaquant talentueux avec un gabarit imposant!

Mais personnellement, sans lui trouver de très grands défauts, j’ai juste un petit peu trop de doutes par rapport à son QI Hockey sur 200 pieds, l’adaptation de son style de jeu dans la LNH, ainsi que son intensité et son caractère. Ces deux derniers éléments sont difficiles à développer et à démontrer su une base constante lorsqu’on ne les a pas déjà… Par moments, dixit Martin St-Louis, il a peut-être un peu trop l’air d’un « jeune homme qui joue au hockey » plutôt que d’un « joueur de hockey », .

Je le classerais ainsi comme le 6e meilleur attaquant du prochain repêchage, derrière Celebrini, Demidov, Lindstrom, Brandsegg-Nygard et Iginla.

Il ne serait donc pas mon choix au 5e rang pour le CH, mais je comprendrais que certains pourraient être tentés de miser sur son potentiel à long terme.