A beau mentir… celui ou celle qui affirmera ne pas avoir ri aux éclats, gloussé, ou à tout le moins souri poliment devant Menteuse, déjà considéré comme «le» film québécois de l’été 2025, un an après le succès de Nos Belles-Sœurs (plus de 3 500 000 $ au box-office).
Car il y a vraiment de tous les types d’humour, capables de satisfaire tous les goûts, dans ce nouvel opus d’Émile Gaudreault, assurément le plus adroit bricoleur de longs métrages comiques grand public d’ici, capable du meilleur (Nuit de noces, Mambo Italiano, De père en flic) comme du pire (Le vrai du faux… Avouez que vous l’aviez oublié, celui-là!).
En plus de réaliser Menteuse, Gaudreault le coscénarise avec Éric K. Boulianne et Sébastien Ravary.

Menteuse, c’est par moments très fin et par moments très niaiseux, avec beaucoup de zones plus ou moins loufoques entre les deux et une panoplie de répliques savoureuses. C’est, surtout, pas mal tout le temps amusant, rarement ennuyant et souvent très drôle.
Et c’est même supérieur à son prédécesseur, Menteur, qui ressemble peut-être à un lointain souvenir dans vos esprits depuis qu’une pandémie a chaviré le monde. Si vous désirez le revoir, sachez que Menteur est disponible sur les plateformes ICI TOU.TV EXTRA, Crave et Netflix, notamment.
Était-elle tirée par les cheveux, l’idée de renchérir à Menteur avec une suite «au féminin»? Et ce, six ans plus tard? Oui, absolument. Facile de voir là une tentative assumée de prolonger l’incroyable triomphe de Menteur et ses plus de 6 millions de recettes à l’été 2019.
Réussite sans doute aidée par un «ingrédient» pas du tout secret appelé Louis-José Houde (qui n’est pas de la nouvelle aventure, l’humoriste ayant semble-t-il choisi de s’éloigner momentanément des plateaux de cinéma… attendez de voir comment on a justifié son absence dans le récit).

Mais le propos de Menteuse et les éclatantes prestations de ses comédiens justifient largement son existence. Et les admirables performances du tandem-vedette, Anne-Élisabeth Bossé et Antoine Bertrand, en jettent suffisamment plein la tronche pour faire oublier Louis-José. Bossé et Bertrand, qui jouent ici les adultes matures autant que les ados attardés, brillent à chacune de leurs apparitions – nombreuses, il va sans dire. Ils valent à eux seuls le prix du billet de cinéma.
Dans Menteur, Simon (Louis-José Houde) racontait des bobards pour se sortir du pétrin et conserver ses privilèges avec une baveuse arrogance. Dans Menteuse, sa belle-sœur Virginie (Anne-Élisabeth Bossé, survoltée), amoureuse de son frère Phil (Antoine Bertrand, tout aussi enflammé), qui laissait déjà présager un début de «visage à deux faces» dans le premier volet, manipule la vérité pour ménager les gens de son entourage, ne pas leur faire de peine, les faire sentir bien.
Dans les deux cas, nos Pinocchio voient leurs exagérations leur bondir au visage lorsque celles-ci se matérialisent concrètement, lorsque leurs mensonges prennent littéralement vie. Dans les deux cas, dans Menteur comme dans Menteuse, l’intrigue finit par s’étioler à travers les multivers, lorsque la réalité achève de chevaucher la deuxième ou troisième dimension.

Or, dans Menteuse, cet aspect surréaliste prend des proportions d’une telle complexité, passant du suspense au drame, qu’il est simplement fascinant d’anticiper comment les personnages vont s’en dépêtrer. Alors que Menteur tournait beaucoup autour d’un seul protagoniste avec des faire-valoir en périphérie (même si les personnages d’Anne-Élisabeth Bossé et Antoine Bertrand étaient très présents), Menteuse est vraiment l’affaire de deux (anti)-héros archi sympathiques, Virginie et Phil, avec des figures très fortes tout près pour appuyer les péripéties du duo central. Catherine Chabot, Monika Pilon, Véronique Le Flaguais, Luc Senay, Rémy Girard, Pierrette Robitaille et Martin Drainville volent tous le show à un instant ou un autre.
Et comme Virginie ment énormément – pour des raisons qui sont graduellement divulguées en cours d’histoire –, il est question de maison autosuffisante, de manifestation politique, de Ti-Gus et Ti-Mousse, d’une drama queen, d’une sœur en mal d’attention, d’un divorce vieux de 25 ans pas encore bouclé, de règlements de comptes familiaux, de wokisme, d’un rappeur, d’une nunuche, de cocaïne…
Évidemment, ça dérape! Les dialogues et les revirements inattendus prennent des allures de jeu de ping-pong, qui s’essouffle parfois, mais finit toujours par reprendre sa vigueur.

Vous l’aurez saisi, Menteuse est une pure comédie conventionnelle à l’américaine, fantaisiste, avec des situations et des retournements gros comme le bras, des mimiques d’acteurs exagérées, certains gags ridicules, d’autres très sensibles, des bons sentiments qu’on voit venir de loin. Pensez Jamie Lee Curtis et Lindsay Lohan qui interchangent leur peau de mère et de fille dans Freaky Friday, pensez Adam Sandler qui utilise sa télécommande magique pour avancer et reculer les années dans Click, et autres blockbusters familiaux du genre: c’était ça, Menteur, en 2019, et c’est encore ça, Menteuse, en 2025.
Des divertissements bruts bonbons – pop corn – rire facile du genre, le Québec – souvent ancré, à l’écran, dans un naturalisme tourmenté – en produit peu. Il en faudrait davantage, ne serait-ce que pour faire courir les foules en salle et arriver à intéresser un peu tout le monde et son frère aux œuvres suivantes. Seulement, la comédie n’est pas une science exacte, et rares, outre Émile Gaudreault, sont ceux qui osent s’y frotter sans scrupules.

Avec son potentiel plus rassembleur que les cuisses légères des Deux femmes en or, sorties en salle à la fin mai et ayant jusqu’ici franchi le cap des 500 000 $ aux guichets, Menteuse devrait en séduire quelques-uns cet été.
Sincèrement!
Et, devinez quoi? La fin de Menteuse laisse présager une autre suite. Imaginez Catherine Chabot et les moines tibétains à l’origine du big bang des mensonges de Simon (Menteur) et Virginie (Menteuse)… On n’en dit pas plus!
Le film Menteuse est actuellement à l’affiche au cinéma.