Les humains sont des créatures incroyables, capables de créer des merveilles! Au cours de l’histoire, l’humain en a parcouru du chemin. Il a évolué, dit-on, et il a su dominer le Monde. Cette espèce est capable du plus beau, elle invente des machines inimaginables, elle est capable d’éprouver 27 émotions distinctes et des sentiments tels que l’empathie, l’amour et la compassion. Maintes fois, on a été témoin de toute la beauté de l’humanité et j’ai longtemps cru que les humains étaient fondamentalement bons. C’était peut-être ma naïveté d’enfant ou ma confiance aveugle en mon espèce. Car maintenant que j’ai les deux pieds bien enfoncés dans l’âge adulte, je l’avoue, j’ai mal à mon humanité.
Il y a quelques semaines, je vous ai partagé les étapes de la naissance de ma maison intergénérationnelle. Maintenant, je voulais aborder les avantages et inconvénients de ce type d’habitation.
Les avantages d’une maison intergénérationnelle
- Partage des frais. Selon la distribution des parts de la maison, le partage des frais reliés à une habitation intergénérationnelle peut alléger grandement le budget: hypothèque, taxes, dépenses liées à l’entretien et aux rénovations, frais pour l’accès internet et le câble, etc.
- Partage des tâches d’entretien. Être plusieurs adultes pour s’occuper d’un terrain, d’un gigantesque jardin, de déneiger l’hiver, etc. permet de diviser les tâches.
- Proximité les uns des autres tout en étant séparés. Ma mère et ma soeur habitent de l’autre côté de la porte. Ce qui veut dire qu’elles sont à un « toc toc toc » d’une tasse de lait, d’un petit 30 minutes de repos parce qu’elles s’occupent de Minilove, d’une jasette pour décompresser, d’un partage de repas, d’un conseil en tout genre. Cette maison nous permet aussi d’être présentes pour les autres en cas de problème de santé. Puisque nous avons chacune notre maison complète, chacune garde son intimité et son jardin secret.
- Présence pour Minilove. Je crois que c’est un privilège pour mon fils d’avoir une grand-maman et une tante aussi proches. Ça lui permettra probablement d’avoir un lien particulièrement unique avec elles. Pour ma mère et ma soeur, c’est la possibilité d’être aux premières loges de son développement et ses progrès. Ma soeur remarque que Minilove la rend particulièrement heureuse et lui permet de décompresser, de relativiser et d’être émerveillée.
- Ma mère ajouterait qu’elle n’a jamais l’impression d’être seule, qu’elle apprécie pouvoir faire des activités avec nous et de ne pas avoir à planifier un souper ou une longue visite pour être en notre compagnie. On se fait des visites courtes, mais plus fréquentes.
Les inconvénients d’une maison intergénérationnelle
- Proximité. Il peut être difficile d’établir les limites à respecter. Chez nous, on ne voyage pas d’un côté à l’autre sans avoir la « permission » : on cogne et on attend la réponse avant d’entrer. Je sais que pour ma mère, la proximité rend parfois plus difficile le fait de retenir certains commentaires face à nos décisions et interventions avec notre fils, mais elle respecte nos choix.
- Dans notre situation, mon amoureux s’est fait embarquer dans le projet déjà en route. Il est arrivé dans ma vie pendant la construction et bien qu’il ait accepté de déménager chez nous et d’y fonder une famille, il n’est pas propriétaire de la maison.
- Souplesse et lâcher-prise pour le partage des tâches reliées à la maison. Les exigences de l’une ne sont pas nécessairement celles des autres, il faut s’ajuster. C’est parfois difficile de bien nommer nos besoins et de faire en sorte qu’ils soient rencontrés/respectés.
Pour terminer, je dirais que la clé d’une bonne cohabitation dans une maison intergénérationnelle repose sur une communication ouverte. D’un côté comme de l’autre, nous essayons de nommer nos besoins et nos limites et de faire preuve de souplesse. Parce qu’au final, pour nous, les avantages sont nettement supérieurs aux désavantages.
Vivez-vous dans une maison intergénérationnelle? Considérez-vous ce projet?
La très grande maison de grand-maman
J’ai longtemps hésité à publier ces lignes, croyant que ma situation m’était tellement propre que personne n’allait pouvoir s’y reconnaître. À l’évidence, elle l’est sur plusieurs points, mais je suis certaine que son artère principale est reliée à plusieurs autres histoires similaires à la mienne. Le quotidien d’un proche aidant est malheureusement marqué par l’isolement. Mais en reliant nos solitudes, la charge devient un peu moins lourde.
Ma maman partage son corps avec un monstre. Une bête féroce qui gruge toute sa tête sans même laisser quelques lambeaux en chemin. Son cruel colocataire déracine chaque fragment de sa vie pour les détruire un à un?; de comment conduire sa voiture jusqu’à faire sa toilette. Du prénom de ses amis de secondaire en passant par le visage de ses enfants.
Quand le diagnostic est tombé, nos réactions étaient aux antipodes. Pour nous, ç’a été brutal. La démence cohabitait avec elle depuis quelque temps, car certains signaux distinctifs ainsi que des antécédents familiaux laissaient déjà présager le pire. Mais l’officialiser la rendait réelle, tangible, terrifiante. Son comportement et ses agissements des dernières années s’expliquaient, mais notre futur avec elle s’écroulait simultanément. On tentait de se faire une tête afin de se préparer à ce qui s’en venait. On s’est bombardé de statistiques, de mises en garde tout en envisageant tous les scénarios possibles. Le mode survie s’est activé.
Mais pour elle, c’était un virus passager dont elle ne ressentait pas les symptômes. Un comprimé ou deux et ça serait du passé. Top shape! En bref, la démence engendre des troubles de mémoire, d’orientation, de jugement, ainsi qu’une modification de la personnalité. À travers ce type de maladie, la personne atteinte n’en souffre pas, mais les proches en subissent les coups. On parle aussi du deuil blanc, qui consiste à vivre la perte d’un proche toujours vivant. Et bien, c’est exactement ça.
On nous répétait de savourer chaque moment que la vie nous donnait avec elle. Sur papier, c’est l’idéal, j’en conviens. Mais dans les faits, il fallait veiller à sa propre sécurité et celle des autres de façon omniprésente. Pour mieux vous situer, dû à son état, c’était comme prendre soin en permanence d’un bambin turbulent et téméraire vivant dans le corps et la tête d’une femme de 50 ans, têtue comme une mule et forte comme dix hommes.
Les années passent et ce qu’on redoutait le plus finit par arriver?; son médecin nous avise qu’un placement en centre d’hébergement serait à envisager pour le bien de tous. Car malgré tous les kilomètres parcourus en la portant à bout de bras et d’amour, le plus difficile restait quand même à venir. C’est le début de la fin d’une pente abrupte.
Pour nous, ça signifiait la fin du premier sprint, on devait maintenant passer le relais. Pour être totalement honnête, à ce moment précis, derrière la peine, la colère et un immense sentiment de culpabilité, tout au fond, se cachait la pointe d’un soupir de soulagement.
Il est bien connu que les enfants ont une imagination débordante. L’enfance rime avec contes de fées, licornes, Fée des dents, père Noël, lutins coquins, lapin de Pâques, etc. Moi-même, étant enfant, j’avais une imagination un peu trop fertile. Je me souviens que quand j’étais petite, je croyais qu’après quelques rues de ma maison, c’était la fin du monde. Alors, quand je faisais du vélo, je n’allais jamais plus loin, car je croyais dur comme fer que j’allais tomber dans un immense trou noir. Mes filles, elles, pensaient que les adultes deviennent des bébés avec le temps, alors elles m’ont souvent dit: « Tu sais maman, quand tu vas devenir un bébé, je vais m’occuper de toi. »