Aujourd’hui, j’ai atteint 35 semaines de grossesse. Dans plus ou moins 7 semaines, je vais faire la rencontre de mon enfant, ma petite fille. Mon premier bébé. Cette rencontre que j’imagine depuis la fin de mon adolescence, je devrai la faire dans un contexte que personne ne peut être prêt à envisager; celui d’une pandémie mondiale.
Depuis quelques semaines, j’ai vu disparaître un à un les petits moments que la majorité des femmes attendent avec impatience en apprenant qu’elles sont enceintes. À chaque fois, ça me brisait le coeur. « Le plus important, c’est d’avoir un bébé en santé. » Et vlan! On me brisait un peu plus le coeur.
Oui, je suis entièrement d’accord. Ce qui est le plus important, c’est que ma poulette soit en santé et en sécurité dans mon ventre. C’est que son développement soit optimal, qu’elle se porte bien et on souhaite de tout notre coeur qu’il n’y ait pas de complications à l’accouchement.
Le fait que ce soit ce qui prime n’enlève en rien ma douleur de devoir faire un « X » sur ces premières fois que je ne vivrai jamais. Car voyez-vous, elles ne reviendront pas. On n’a qu’un seul premier enfant, une seule première expérience de grossesse où tout est nouveau et merveilleux. Je n’aurai pas de cours prénataux, sur lesquels je comptais beaucoup étant de nature anxieuse. Je n’aurai pas de shower, où tout le monde se réunit, heureux de célébrer la venue d’un petit être. Je ne peux pas profiter de mes dernières semaines de grossesse pour magasiner tranquillement ses dernières petites choses de bébé. Je n’aurai pas de photographies professionnelles de ma première bedaine, celles où on aurait pu lire sur nos visages l’excitation grimpante d’accueillir notre nouveau rôle de parent prochainement. Je ne sais pas non plus combien de temps je devrai attendre avant de pouvoir présenter ma fille à nos familles, à nos amis.
Quand vous me dites que l’important, c’est que mon bébé soit en santé, vous m’invalidez. Vous m’enlevez le droit d’avoir de la peine, d’être en colère devant la situation. Je sais bien que vous vous voulez rassurants, mais c’est tout sauf ça. Dites-moi que j’ai le droit d’être déçue. Dites-moi que j’ai le droit d’avoir peur, d’être fâchée. Dites-moi que vous êtes là pour m’écouter (à distance) si j’ai besoin de parler, mais s’il vous plaît, ne me faites pas sentir que ce n’est pas la fin du monde.
Je sais très bien que ça ne l’est pas, mais en ce moment, dans mon petit coeur de future nouvelle maman, ça l’est. Ce n’est pas parce que pire existe que ma souffrance n’existe pas et qu’elle n’est pas extrêmement douloureuse dans le moment présent. On souhaite toutes pouvoir vivre notre première grossesse de la manière dont on l’imaginait dans notre tête. Ça arrive de devoir composer avec l’imprévu, mais il faut comprendre que dans la situation actuelle, c’est le jackpot des circonstances un peu poches, mettons.
« Ah, mais tu n’as pas vraiment besoin de ça! » ou « Les cours prénataux, ce n’est même pas obligatoire, moi je ne les ai pas suivis et je me suis débrouillée. » Oui, mais toi, tu as eu le choix. Toi tu as eu le luxe de décider si ça te convenait ou non. Tu as pris la décision en fonction de ce qui te semblait le plus adapté à ta situation. Moi, je ne l’ai pas, ce choix. Je suis obligée de faire avec, même si ça m’insécurise, même si moi, lire des livres, ce n’est pas ça qui m’aide à me sentir équipée. Oui, je vais me débrouiller, mais laissez-moi avoir le droit de trouver ça plate. Ne vous basez pas sur votre expérience pour diminuer la mienne, s’il vous plaît.
Pour celles qui ont eu un enfant déjà, et qui ont eu la chance de l’accueillir dans des circonstances favorables ou tout simplement « normales », essayez de vous mettre à notre place. Les mamans qui, comme moi, mettront au monde leur premier petit bébé et qui doivent affronter non seulement l’inconnu de la parentalité, mais le faire en plus au sein d’un chaos jamais vu auparavant. Des mamans qui devront le faire seules ou presque, puisqu’on ne sait pas comment la situation évoluera dans les prochaines semaines, voire les prochains mois. J’ai une pensée pour toutes les mamans qui ont dû accoucher dans des circonstances difficiles et qui n’ont pas pu être accompagnées.
Dans quelques semaines seulement, je devrai endosser le rôle le plus important de toute ma vie. J’ai hâte de le faire, j’ai le sentiment d’y être destinée depuis toujours. Je ne sais pas de quoi sera composée ma nouvelle réalité, mais je vais tenter de m’y préparer le mieux possible, comme je le fais depuis que j’ai vu le petit + sur le test.
Si jamais on se parle d’ici là, demandez-moi donc comment ça va et si j’ai de la peine puis répondez-moi simplement que vous comprenez que ça ne doit pas être facile. Laissez-moi avoir de la peine, pis après, on changera de sujet.
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