J’ai toujours su que j’aurais du mal à avoir des enfants. Ma mère a mis 9 ans à tomber enceinte, et autant ma soeur n’a rencontré aucune difficulté, autant je sentais au fond de moi que ce serait compliqué. Et ça n’a pas loupé. À nous le parcours PMA (Procréation Médicalement Assistée). Parcours : ce mot est tellement juste…
Qu’on s’entende de suite, je ne suis pas ici pour me plaindre. D’autant plus que je m’estime chanceuse dans notre histoire : notre parcours n’a pas été si long, nous avons eu la chance incroyable de tomber sur un médecin compréhensif et aidant, et surtout, nous sommes les heureux parents d’une petite fille de 10 mois qui nous comble à chaque instant.
Je pourrais vous parler de toutes les difficultés que l’on a rencontrées. De ces multiples examens, de cette hystérosalpingographie avec des étudiants en médecine observant mon vagin, de ce test post-coïtal et de cette impression terrible d’avoir eu mon intimité violée, de ce moment de solitude lors de ma première injection dans le ventre, première d’une longue série. De l’arrêt du traitement suite à un malaise et de cette angoisse de ne jamais pouvoir recommencer. Je pourrais vous parler de ma pudeur, disparue à jamais, de ce temps qui passe, trop vite ou trop lentement, de ces espoirs, de ces déceptions, de cette souffrance, de cette attente interminable des résultats, et de tout ce monde dans lequel on bascule et dont on ignorait tout. Mais ce n’est pas de cela que j’ai envie de vous parler.
Ce dont j’ai envie de parler, c’est du fait qu’on n’en parle pas, justement. Pourquoi? À chacun ses raisons. Peut-être parce qu’il s’agit de notre intimité et qu’on n’a pas envie de l’étaler. Peut-être… peut-être parce qu’au fond, on a un peu honte, parce que ça devrait être naturel, parce qu’on fait des enfants depuis la nuit des temps et que nous, on n’y arrive pas. Parce qu’on se sent un peu nulle, un peu incomplète avec ce ventre désespérément vide, qu’on a peur et pas envie d’être jugé.e, observé.e. Parce que pour les hommes, il y a un peu de leur virilité qui est remise en question et qu’on sait à quel point c’est important.
Et pourtant… Sachez que vous n’êtes pas seuls, il paraîtrait même qu’on est un couple sur dix. Un couple sur dix… Si l’on regarde autour de nous, il y a forcément des gens qui sont concernés.
C’est de ça que j’ai envie de parler. Mon homme et moi avions pris le parti d’en parler librement (moi surtout, lui a suivi). Parce que j’avais besoin de dédramatiser tout ça, de le banaliser. Et je ne l’ai jamais regretté. Ou plutôt si, une fois, quand j’attendais avec angoisse les résultats de la fécondation in vitro, je me suis dit qu’il serait difficile de partager un résultat négatif avec mon entourage, aussi aimant soit-il. Mais c’est la seule fois. Et c’est fou ce que cela peut entraîner, quand on choisit d’en parler.
Je pense à cette amie qui a fondu en larmes quand on en a parlé, à qui on a donné les coordonnées de notre médecin, et qui est maman aujourd’hui. Elle n’en avait jamais parlé à personne, pas même à sa famille. Je pense à cette autre amie qui n’était pas sûre de bien lire les résultats de sa prise de sang et à qui j’ai eu l’immense joie de confirmer que oui, après toutes ces épreuves, elle était bien enceinte. À cette personne que je connaissais si peu et avec laquelle nous avons partagé nos expériences. Je pense à toute cette solidarité et ces magnifiques liens que cela a pu créer, juste parce que j’en ai parlé.
Je pense aussi et surtout à toutes ces personnes qui se taisent et qui souffrent en silence. Je veux leur dire que non, elles ne sont pas seules. Il y aura toujours quelqu’un pour les écouter et pour parler.
À commencer par moi…