Mercredi dernier, c’était la veille de la rencontre avec nos garçons. J’avais rendez-vous pour une ultime échographie et la pose du ballonnet. Comme la première fois qu’on m’a mis cet objet de torture j’ai hurlé de douleur pendant 1h30, avec ma gynécologue on a pris la décision d’en faire la pose sous calmant cette fois-ci. Je dois avouer que ça m’a soulagée.
L’échographie se déroule bien, les deux bébés ont la tête en bas, un accouchement naturel est toujours de mise. Toutefois, elle me dit qu’elle me fera la pose du ballon le lendemain pour que ça travaille avec le pitocin. On retourne à la maison avec mon col ouvert d’à peine 1,5 cm à 36,4 semaines… de mes deuxièmes jumeaux.
Contrairement à la veille de mon premier accouchement, je dors comme une bûche cette nuit-là. J’ai le corps fatigué et endolori. En me réveillant, je prends une bonne douche chaude en espérant secrètement que ça réveille mes filles, question de pouvoir les serrer fort avant de partir. Ça marche et je me gâte en câlins et en bisous avant de quitter légèrement en retard pour l’hôpital.
Le trajet est silencieux. Je souris, mais je pleure aussi un petit peu. Ma petite main moite tient celle solide de mon homme. En arrivant sur l’étage, nous sommes accueillis par deux des infirmières qui ont été très présentes lors de la naissance de nos filles. Ça me fait chaud au coeur qu’elles soient impliquées dans l’arrivée de nos 3e et 4e enfants. On me fait changer et on installe mon soluté avant de me donner une dose de calmant.
Ma gynécologue arrive et procède à la pose du ballonnet. C’est pas une partie de plaisir, mais ça se tolère. Elle et l’infirmière conviennent de ne pas attacher le ballonnet à ma cuisse, mais plutôt d’effectuer des tractions périodiquement en même temps que les contractions. Vous dire à quel point ça été moins douloureux cette fois… j’étais vraiment heureuse et soulagée que ce moment soit terminé. Je suis maintenant à 3cm et ma gynécologue revient pour crever les eaux d’un des bébés.
Sachant qu’à partir de ce moment-là le fun est fini et effrayée de ma première épidurale qui a mis plus d’une heure et demie avant de faire effet, l’anesthésiste arrive peu de temps après et tente pendant plus de 20 minutes de passer entre mes vertèbres. Ce faisant, elle pique plusieurs fois dans l’os, me provoquant des douleurs auxquelles je ne m’attendais vraiment pas. C’est le seul vidéo de mon accouchement que je n’ai pas hâte de voir. Elle finit par être capable de positionner son cathéter et injecte les médicaments. Le froid dans ma colonne vertébrale me fait un bien fou. Au bout de 15 minutes, je n’ai plus mal. J’ai même des contractions que je ne détecte pas. L’anesthésiste est vraiment contente, et moi donc!
Les heures passent et le travail se fait à pas de tortue. C’est le milieu de l’après-midi, je suis à la dose maximale de pitocin depuis la pose de l’épidurale en matinée et je suis à peine à 5 cm. Mes contractions commencent à me faire vraiment mal dans la hanche. Toute la douleur y est concentrée et je suis extrêmement inconfortable. Ma gynécologue vient vérifier où nous en sommes vers 15:00. Je suis à 7 cm et effacée a 80%. On est sur la bonne voie, mais outch. Je devrais être descendue en salle d’opération à ce moment-là, car pour des jumeaux, on ne prend jamais de chance. Je lui demande néanmoins de continuer un peu le travail dans ma chambre, m’y sentant bien plus calme et confortable. Elle accepte et me dit qu’elle reviendra dans 30 minutes.
Au fil des contractions, mes douleurs à la hanche s’intensifient. Initialement couchée sur le côté gauche, je me couche sur le dos. Je reste quelques contractions comme ça, mais le soulagement n’est pas satisfaisant. Je me retourne sur le côté droit et je sens un « pop » au fond de mon vagin. La contraction suivante, je n’ai plus mal à ma hanche, mais j’ai cette envie de pousser qui apparaît. Je ne parles pas parce qu’elle vient de me dire que je suis à 7cm… impossible que je sois à 10 déjà. Une autre contraction et la sensation s’accentue. Je ne dis rien encore. Une troisième contraction et là, j’ai peur de le sortir live là là. Je dis à mon infirmière de vérifier vite parce que ça pousse fort. Je suis à 10 cm. Je suis prête à pousser nos petits vers notre monde.
Rapidement, ma gynécologue qui n’a probablement même pas eu le temps de se rendre au poste revient et je suis amenée en cinquième vitesse au bloc opératoire. C’est le changement de chiffre et tout le monde est pris de court. La table sur laquelle j’accoucherai n’est pas prête. Certaines personnes présentes ne savent même pas que c’est une naissance de jumeaux. La deuxième gynécologue qui doit assister n’est pas arrivée, ni la pédiatre. Une fois installée, la tête se présente bien et je pousse une première fois, une petite poussée bien relaxe.
Une deuxième poussée dans la même contraction et Philippe vient au monde. Il ressemble à Camille, notre deuxième fille. Il sent bon le petit pain chaud. La seconde gynécologue arrive, les infirmières s’occupent de Philippe qui n’aura jamais eu de score Apgar. On crève la poche des eaux du deuxième bébé et là, ça se complique. Le bébé remonte dans le haut de mon utérus, le cordon se place entre sa tête et la sortie, puis mon col se referme sur le bras de ma gynécologue qui reste bien en place pour éviter que ce dernier se referme complètement.
Sur le coup je n’ai pas conscience de tout ça, mais je sens dans l’ambiance et dans les regards que se lancent les deux femmes que c’est sérieux. La décision est prise que l’on continue en accouchement vaginal. Une des gynécologues appuie fort sur mon ventre pour faire descendre le bébé rebelle pendant mes contractions et le maintien en place, alors que l’autre essaie de le ventouser tout en tassant le cordon.
Ça me prendra 8 longues minutes pour mettre Wilfrid au monde. Wilfrid qui nait bleu et mou. Son petit coeur a trouvé ça difficile. La pédiatre n’est toujours pas arrivée. C’est une infirmière qui prend en charge notre bébé et l’aide à prendre sa première bouffée d’air. Ça aura pris 2 minutes. C’est pas croyable comment 2 minutes peuvent sembler une éternité quand tu viens de voir ton nouveau-né inerte et bleu. La pédiatre arrive vers ce moment-là. Wilfrid aura un Apgar de 2, 7 et 9.
Le placenta suit peu de temps après, en un gigantesque morceau. Je tremble de tout mon corps. Je suis fatiguée, j’ai froid, j’ai eu peur. Mon amoureux part avec les bébés en néonatalogie pendant qu’on me recoud. Ma gynécologue prend alors le temps de m’expliquer tout ce qui vient de se passer. Je pleure… mon ventre est maintenant vide pour toujours, mais mes bébés vont bien.
Je suis ensuite ramenée à ma chambre et y attends seule la première rencontre officielle avec nos deux garçons. Toujours tremblante, mais tellement fébrile. Je n’ai plus la notion du temps, mais ce qui semble une éternité plus tard, mon amoureux arrive avec nos deux bébés et me les présente. Ils sont beaux nos petits bébés pareils.
J’embrasse leurs petits fronts tout doux et leur souhaite la bienvenue. Je leur dis que c’est le début d’une grande aventure, qu’ils étaient attendus et sont déjà tellement aimés.