L’information ne vous aura pas échappé, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) vient d’officiellement ajouter le trouble du jeu vidéo à sa longue liste de Classification internationale des maladies. Mais sommes-nous vraiment malade.
Définition du trouble du jeu vidéo
Commençons par rappeler la définition du trouble du jeu vidéo: « Comportement lié à la pratique des jeux vidéo ou des jeux numériques, qui se caractérisent par une perte de contrôle sur le jeu, une priorité accrue accordée au jeu, au point que celui-ci prend le pas sur d’autres centres d’intérêt et activités quotidiennes, et par la poursuite ou la pratique croissante du jeu en dépit de répercussions dommageables. »
On reprend notre souffle et on explique, on vulgarise. Très simplement, ce trouble stipule que si on joue à des jeux vidéo (ou des jeux numériques bien qu’il soit difficile de faire la différence honnêtement) de manière intensive en négligeant des activités quotidiennes comme manger et dormir par exemple et que l’on répète cette pratique ou qu’on l’augmente malgré les dangers, on est malade.
Pour une explication complète de l’OMS c’est par ici: https://www.who.int/features/qa/gaming-disorder/fr/
Recevable? Difficilement?
Dans l’absolu cette définition est recevable mais elle pose problème dès lors que l’on s’intéresse à l’aspect intensif, cette fameuse perte de contrôle de la définition. À quel moment perd-on le contrôle? Qui est apte à le diagnostiquer avec précision? Déjà que le jeu vidéo demeure incompris, on ne va pas être aidé avec ça. Puis, quels sont ces autres centres d’intérêt que l’on peut négliger? Parler à des gens? On peut le faire via des MMO. Formation? Éducation? L’une des meilleures façons d’apprendre restent les Serious Game, les vrais, pas des simulations en 3D rachitique avec des choix de dialogues qui offrent un ersatz de jeu. Voyager? Jusqu’à preuve du contraire, on ne peut pas encore aller dans l’espace pour 30 à 70$. J’ai pourtant visité d’innombrables galaxies et on peut même le faire en réalité virtuelle désormais.
Au delà de l’industrie qui s’insurge, à raison, de cette définition, d’éminents scientifiques trouvaient déjà que cette définition posait problème lors de sa publication l’an passé. En effet, qu’est-ce qui prouve que c’est bien le jeu vidéo qui est la cause des troubles cliniques chez des patients atteint de ce fameux trouble du jeu vidéo. Il faudra clairement établir un lien de cause à effet encore trop flou aujourd’hui. Les scientifiques redoutent également un abus de diagnostics de troubles du jeu vidéo comme le souligne Radio-Canada.
Le burn-out pas une maladie, mais la pratique hors de contrôle du jeu vidéo, oui
Par ailleurs, l’OMS en a profité pour ajouter également à sa Classification internationale des maladies mise à jour, le burn-out, cet épuisement professionnel contracté par de nombreux travailleurs. Mais, comme le rapporte TVA Nouvelles, il ne convient pas de considérer ce trouble comme une maladie malgré sa présence sur la fameuse liste. Un porte-parole de la très respectée organisation s’est en effet précipité pour préciser que « le burn-out n’est pas conceptualisé comme une condition médicale mais plutôt comme un phénomène lié au travail. » Première chose.
La seconde est que l’industrie fait très bien l’autruche. L’Association canadienne du logiciel de divertissement (ALD) critique l’inclusion du trouble du jeu vidéo, ou encore le Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisir (SELL) en France et l’Interactive Software Federation of Europe (ISFE) pour le continent, pour leur part, le regrettent. Ces dénonciations seraient d’avantage crédibles si les travailleuses et travailleurs de l’industrie n’étaient pas autant sujet à l’épuisement professionnel. En cause, un phénomène qui touche toute l’industrie.
Allez je vais vous donner une autre définition qui vous le fera peut-être deviner: « Comportement lié à la pratique du développement des jeux vidéo ou des jeux numériques, qui se caractérisent par une perte de contrôle sur le développement, une priorité accrue accordée au développement, au point que celui-ci prend le pas sur d’autres centres d’intérêt et activités quotidiennes, et par la poursuite ou la pratique croissante du développement en dépit de répercussions dommageables. » Alors, vous avez deviné? Je veux bien entendu parler du crunch. Ces fameuses périodes de développement de dernière minute pour corriger certains bogues ou rajouter certaines caractéristiques dans un jeu vidéo quasiment terminé. Cette définition s’applique à merveille à un trouble bien plus pernicieux, vous ne trouvez pas?
Prochaine étape, le crunch vivement déconseillé voire interdit?
On est d’accord, la pratique du jeu vidéo est une chose et son développement en est une autre. Mais ne serait-il pas judicieux de traiter le problème à la source? Je veux dire par là que les développeurs ne montrent pas l’exemple aux joueurs en pratiquant le crunch à outrance et en le portant comme un badge d’honneur tel un scout en recherche de validation. On s’entend que de plus en plus de studios, d’équipes et de collectifs rejettent cette pratique, qui pourrait être corrigée, d’après les dires de certains, par une meilleure organisation du projet.
Quoi qu’il en soit, l’OMS devrait peut-être se pencher sur ce problème plutôt que d’accabler encore une fois la pratique du jeu. Entre nous, les causes d’un plongeon tête la première dans un jeu sont souvent externes. Regardons par exemple la vie de la personne et ce qui l’a poussée à se jeter corps et âme dans le logiciel. Car il y a toujours, toujours, une cause.