On connaît le franc-parler d’Anne Dorval et son caractère expressif.
On se souvient, entre autres, de sa tirade sur la charge mentale des mères – en 2003, bien avant la prise de conscience collective à ce sujet! – à l’émission Les Francs-Tireurs, à Télé-Québec. Ou, en 2014, de son échange musclé sur le plateau d’On n’est pas couché, sur France 2, avec le politicien et polémiste français Eric Zemmour, candidat à l’élection présidentielle de 2022. L’actrice s’était vertement montrée outrée par les propos de Zemmour sur le mariage gai, notamment.
Ainsi, habituée de voir ses déclarations reprises dans les gros titres et d’être parfois «mal citée», dit-elle, Anne Dorval joue désormais de prudence lorsqu’elle s’adresse aux journalistes.
Seulement, c’est avec beaucoup de difficulté, et en se tortillant sur son siège tant elle se retenait pour pas débiter son entière opinion d’un trait, que la comédienne a pesé ses paroles, il y a quelques jours, lorsque Hollywood PQ a sondé son opinion sur l’état actuel de la télévision québécoise. La Lola de Chambres en ville, la Natalie des Parent et la Criquette / Ashley du Cœur a ses raisons en a visiblement gros sur le cœur, justement!
«Il y a un manque de budget, évidemment, on le voit partout», a commencé Anne Dorval.
«Ça ne peut pas continuer! C’est évident qu’il y a des boîtes de production qui vont mourir. Plein d’artistes et artisans réorientent leur carrière, parce que c’est de plus en plus incertain, avec les budgets faméliques que tout le monde a. C’est compliqué, faire de la télé! On se le fait dire. Il faudrait que les divers paliers de gouvernement comprennent à quel point c’est important, d’avoir une culture propre à ce qu’on est, à ce à quoi on ressemble. On ne ressemble à rien d’autre qu’à nous-mêmes, ici. On n’est pas des Américains, on n’est pas des Français. Ça serait bien qu’on l’entende…», a-t-elle poursuivi, en prenant bien soin de réfléchir à chaque phrase avant de la prononcer.
Ironiquement, lorsque nous avons rencontré Anne Dorval, dans la foulée du début, lundi le 9 septembre, à Noovo, de la compétition Quel talent!, où elle agit comme juge, celle-ci s’apprêtait à aller enregistrer une émission spéciale des Enfants de la télé dédiée à Chambres en ville. Beau prétexte pour rappeler à notre Lola nationale que les Québécois, toujours nostalgiques, sont quand même très attachés à leur patrimoine télévisuel. Les épisodes de Chambres en ville sont d’ailleurs fréquemment rediffusés à Unis TV.
Or, pour la dame de 63 ans, la survie de notre télé et de notre culture se trouvent devant, et non derrière.
«Ça peut être un petit clin d’œil, c’est amusant, mais ce n’est pas là-dessus qu’on va baser notre télé!», s’est-elle insurgée.
«On est en 2024. Il faut qu’on passe à autre chose! C’est correct, c’est comme manger du popcorn un samedi soir quand on va voir un film, mais on ne peut pas se nourrir que de ça! À un moment donné, ça prend autre chose, il faut qu’on évolue, avec la vie et l’âge qu’on a…»
«On est en 2024, et Chambres en ville, c’était dans les années 1980! Je ne renie pas ça, je n’ai pas honte de ça du tout, mais tout le monde va être d’accord avec moi sur le fait qu’on ne peut pas retourner à ce format-là, à ce type de télé-là, en 2024… Ça n’existe plus. Il faut évoluer! Et il faut donner la chance aux créateurs d’exister, aussi, et de nous proposer autre chose. Ça prend des budgets. Au théâtre, c’est pareil. Partout!», a martelé Anne Dorval, à l’instar d’autres pointures comme Guylaine Tremblay ou Claude Dubois, qui ont aussi livré le fond de leur pensée à ce sujet récemment.
Heureusement, celle-ci, à titre personnel, n’écope pas significativement des soubresauts de son industrie. Outre son engagement à Quel talent!, elle reprendra, en octobre au Théâtre du Nouveau Monde (TNM), la pièce Je t’écris au milieu d’un bel orage, qu’elle avait jouée pour une première fois avec Steve Gagnon en 2023, et qui partira ensuite en tournée. Elle mitonne aussi d’autres projets au théâtre et au cinéma.
«Mais je ne peux pas en parler parce qu’il est trop tôt. Pour les deux prochaines années, ça augure bien», a souligné l’artiste, qui se dit par ailleurs enchantée du résultat de Quel talent!, où elle a évalué des prestations de toutes sortes (danse, chant, cirque, prouesses animalières, etc) aux côtés de ses collègues Marie-Mai, Rachid Badouri, Serge Denoncourt, et l’animatrice Marie-Josée Gauvin.
«J’ai vraiment beaucoup aimé ça. Il y a des choses qui m’ont surprise, et je m’étonnais parfois d’être autant touchée…»
Anne Dorval affirme avoir été très ouverte devant les numéros qui lui étaient proposés. Elle considère d’ailleurs les tribunes offertes par des concours comme Quel talent!, comme un moyen aussi pertinent qu’un autre de percer dans le milieu artistique. Ou pas!
«C’est un bon moyen pour entrer… ou en sortir!», juge-t-elle.
«Ça va bien vite! Une école de théâtre ou un conservatoire de musique, ce n’est pas dit que tu vas faire ce métier-là en sortant non plus. Et il y a beaucoup de travail. On voit beaucoup de gens qui s’improvisent n’importe quoi en venant dans ce genre de concours-là, mais ils sont vite rejetés. Ceux qui restent sont ceux qui sont rigoureux, qui ont travaillé pendant des années, qui ont réfléchi. Même si ce n’est pas nécessairement notre truc à nous, il faut saluer le travail derrière le talent, s’il y a un minimum de goût.»