Guylaine Tremblay en a gagné, des trophées Artis. En a reçu une flopée, de marques d’affection du public. Au point où certains trouvaient à une certaine époque que c’en était presque trop, à l’époque d’Annie et ses hommes, puis d’Unité 9. Mais, que voulez-vous, quand les Québécois aiment, ils aiment pour longtemps!
La comédienne de 64 ans – c’était son anniversaire récemment, le 9 octobre! – est encore extrêmement active, enchaînant chaque année les projets stimulants à la télé et au théâtre (elle incarnera même la grande Janette Bertrand sur les planches au printemps prochain…). Qu’elle s’arrache le cœur dans du drame (comment oublier Unité 9 ou, plus récemment, Anna et Arnaud?) ou s’éclate dans la comédie (elle renouait l’an dernier avec sa Caro de La petite vie, était hilarante dans Nos Belles-Sœurs et participera à sa sixième édition du Bye Bye à la fin de l’année), Guylaine Tremblay brille, se démarque et nous fait vivre de sincères émotions. On s’en émeut moins maintenant, tant la dame est présente un peu partout, mais Guylaine Tremblay est résolument l’une de nos très grandes actrices.
Elle le prouve encore dans Veille sur moi, nouvelle minisérie de six épisodes fraîchement débarquée sur ICI TOU.TV EXTRA, où Guylaine s’avère bouleversante dans la peau d’une grand-maman au grand cœur d’un milieu modeste, Maggie Bougie, qui se bat pour protéger son petit-fils de quatre ans. Pascale Renaud-Hébert, tout aussi excellente, personnifie Corinne, sa fille déboussolée, mère de l’enfant, qui voudrait bien ravoir la garde de son fiston, mais que ses démons ralentissent à se prendre en main.
Absence pesante
Au commencement de Veille sur moi, Corinne rapplique sans préavertissement. Trois ans et demi plus tôt, elle avait confié son bébé à sa mère, apparemment pour un après-midi. Elle s’est plutôt évaporée dans la brume, ne se rapportant que sporadiquement au téléphone, partie sur le party avec un amoureux du type peu recommandable, le toxique Joey (Guillaume Laurin). Son absence date de si longtemps que son garçonnet, Zack, ne la reconnaît pas. (Note de la plus haute importance : le petit Jérôme Hébert, qui interprète Zack, est mignon à faire fondre, et joue avec un naturel désarmant! Et il n’a aucun lien de parenté avec Pascale Renaud-Hébert, soit dit en passant). Le gamin jouit d’un quotidien sain et stable avec sa grand-mère, avec qui il est heureux et encadré.
Maggie devient méfiante aussitôt qu’elle aperçoit sa fille. Celle-ci jure ne plus consommer, avoir quitté Joey, avoir l’intention de s’enraciner et de se responsabiliser. Elle paraît sincère. Maggie la croit. Veut la croire. Mais Corinne ne tardera pas à dégainer de trop gros sabots, désireuse de reprendre son enfant, sans égards pour les sentiments de Maggie qui s’y est consacrée corps et âme pendant trois ans et demi. Celle-ci, non seulement inquiète de la condition de son héritière, ne veut évidemment pas perdre le petit bonhomme qui représente tout son univers.
La DPE (Direction de la protection de l’enfance, équivalant de la DPJ) devra rapidement s’en mêler. Quels seront les droits de Maggie, protégée par aucun papier légal? Or, derrière les différends, violents, on ressent toujours l’amour profond qui unit Maggie et Corinne. Un rapport affection-haine qui aura tôt fait de perturber le vulnérable Zack.
Après quelques soubresauts, les deux femmes parviendront à trouver une erre d’aller. Mais Corinne reste fragile. Et impulsive. Bien sûr que son manipulateur Joey n’acceptera pas de se faire ainsi larguer. Quand surviendra l’ultime cassure, au quatrième épisode, les choses se détérioreront sérieusement. Et Corinne aura des cartes dans sa manche, puisqu’elle-même est une ancienne protégée de la DPE, Maggie ayant jadis connu ses périodes tumultueuses quand sa progéniture était petite.
Veille sur moi ne se campe pas en milieu aisé. Nous sommes ici dans un monde défavorisé, mais pas totalement pauvre, comparable à celui de M’entends-tu? Les personnages sont peut-être mal engueulés et peu éduqués, mais ils sont vaillants et ne se laissent pas abattre. La langue, belle, réaliste, rappelle celle de Michel Tremblay, peu châtiée mais venant du cœur.
De beaux personnages
Et tout l’entourage de Maggie, Corinne et Zack est aussi attachant que le noyau central. La délurée et pragmatique Samantha (Karine Gonthier-Hyndman), amie de Maggie comme de Corinne, sera coincée entre l’arbre et l’écorce. Yolanda (Fabiola N. Aladin), l’éducatrice de Zack au centre d’entraide, voit d’un très mauvais œil le retour de Corinne, ne pensant qu’au bien-être du chérubin. Jean-Philippe (Étienne Lou) est un gentil jeune papa qui fait de l’œil à Corinne, tandis que Mario (Luc Senay), patron de Maggie au restaurant où elle est une serveuse très appréciée, use de douceur et de patience pour apprivoiser cette dernière.
Spécifions que tant Guylaine Tremblay que Pascale Renaud-Hébert portent cette fiction dans leurs tripes; la première en a eu l’idée originale, sensible au sort des grands-parents de sa génération et elle-même amoureuse folle de sa petite-fille (dont elle nous parlait ici!), et la seconde en signe les textes. Comme elles l’ont raconté à Tout le monde en parle la semaine dernière, Guylaine tenait à ce que ce soit Pascale qui écrive Veille sur moi, séduite par le style sensible et vrai de cette dernière. Pascale a aussi cosigné M’entends-tu?, In Memoriam, Sans rendez-vous, et plusieurs autres émissions. Veille sur moi est sa première fiction complète en solo.
Le réalisateur Rafaël Ouellet (Aller simple : Survivre, Double faute, Ruptures, Blue Moon, Nouvelle adresse, etc) a parfaitement rythmé cette histoire poignante, dirigeant ses têtes d’affiche de main de maître.
Et c’est Pamplemousse Média, l’entreprise de France Beaudoin, qui produit Veille sur moi. Une première fiction pour une boîte déjà reconnue pour ses variétés et ses documentaires de qualité (Maman est malade, En direct de l’univers, On ramassera demain, Je viens vers toi) et pas la dernière, gageons-le.
Les 6 épisodes de Veille sur moi sont déjà disponibles sur ICI TOU.TV EXTRA et seront diffusés à la télé traditionnelle, sur ICI TÉLÉ, en janvier.