Exceptionnellement, nous avons choisi de vous partager une lettre ouverte anonyme que nous avons reçue peu de temps avant la publication du dossier du Devoir.
« Bonsoir,
Je vous écris anonymement, car je ne peux pas me permettre d’écrire publiquement ce que je vais vous écrire ici. Je vous rassure, ce texte ne contient rien qui puisse mettre quiconque légalement dans le pétrin, mais il pourrait m’attirer beaucoup de haine personnellement et nuire à ma carrière.
Cela concerne les allégations contre Gilbert Rozon et, surtout, sa dénonciation par Guillaume Wagner.
Je travaille dans le milieu de l’humour depuis longtemps. Ce qu’on entend aujourd’hui à propos de Rozon, ça fait 10 ans qu’on l’entend. Je ne suis pas une victime, mais au fil du temps et des gens, la somme de toutes les choses vues et entendues ne laisse aucun doute sur la nature de cet homme.
Depuis l’affaire Weinstein, j’ai assisté à un élan de courage de femmes qui ont décidé d’aller de l’avant et raconter leur histoire aux médias. C’est un secret de polichinelle depuis le début de la semaine dans le milieu qu’enfin des femmes allaient témoigner contre le puissant boss. Très puissant.
Le courage de ces femmes est incalculable.
Depuis quelques jours, elles ne dorment plus. Sachant qu’elles s’apprêtent à vivre l’enfer. Je le répète et j’insiste : le courage de celles qui sont sorties est infini. Demain matin, enfin, leur agresseur allait être dénoncé dans un article. Le milieu de l’humour au complet a été averti.
Pour ça, il a fallu qu’elles témoignent, revivent des épisodes traumatiques en fournissant des preuves aux journalistes impliquées et mettent leurs carrières en jeu. Pendant des années un homme a sévi et ses confrères l’ont laissé faire. Demain allait être difficile, mais ça allait être leur moment.
Mais finalement, demain ne sera pas leur moment.
Au courant comme tout le monde du milieu que l’affaire était maintenant appuyée par le témoignage de ces courageuses femmes, Guillaume Wagner a cru bon s’approprier le courage de celles-ci. À quelques heures de la sortie de leur témoignage, celui qui n’a jamais rien dit avant a soudainement eu une poussée de bravoure.
Regardez-le comme il est bon, cet homme. Il a enfin dit ce que personne n’osait dire.
BULLSHIT. Il n’a jamais eu les couilles de le faire avant qu’il sache que des femmes venaient de mettre leurs têtes sur la bûche. Il a volé le courage de ces femmes pour jouer au héros.
Demain, il y a un pervers narcissique qui tombera. Et il y en a un autre qu’on portera à tort en héros?
J’ai mal au coeur. »
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