Avis aux lecteur·rice·s: cet article aborde un sujet sensible pouvant heurter certaines personnes.
Le suicide demeure un sujet délicat, tant pour Michel Barrette que pour la société en général, malgré les efforts de sensibilisation déployés dans l’espace public.
La personnalité a notamment raconté comment il a sauvé la vie d’un jeune homme en détresse, lors d’une intervention sur le pont Jacques-Cartier en septembre 2013.
Cogeco Média
Un sujet délicat
La scène est déjà assez dramatique…
«(…) Je vais essayer pour une première fois… D’en parler sans craquer (…)», lance d’emblée Michel Barrette.
Il a d’abord précisé qu’au début de sa tournée, où divers invités lui posent des questions qu’il ne connaît pas à l’avance, il avait demandé qu’on évite le sujet du suicide, estimant qu’il lui était trop difficile d’en parler.
«Ce matin, je vais essayer de le faire. Je ne suis jamais capable de le faire. Habituellement, ça me touche, vous allez comprendre pourquoi», ajoute l’humoriste de longue date.
«C’était donc en 2013. Je m’en venais travailler à la télévision, je prends le pont Jacques-Cartier et là, j’aperçois que le trafic ralentit. (…) Je vois ce jeune-là, 30 ans, accroché par-dessus les barrières anti-suicide. Et là (…) j’arrête. Pourtant, il y avait des voitures en avant de moi qui auraient pu arrêter, mais ils ont décidé de ne pas arrêter. Ç’a été leur choix. Je vais débarquer de la voiture, je vais sauter par-dessus… la bordure, je vais me rendre là. Le jeune est là et je vais lui dire: Je ne sais pas pourquoi tu es là, mais j’étais à la même place que toi (…) quand j’avais 25 ans, et tout à l’heure, tu vas être debout à côté de moi. Je me suis convaincu que ce n’est pas vrai qu’il allait sauter en-bas du pont», raconte Michel Barrette.
«(…) Parfois, on dit que les gens qui parlent de suicide, c’est qu’ils veulent lancer un cri. (…) Lui, il ne lançait pas un cri, il voulait sauter. Je vous le dis, parce que, pendant 1h, la discussion a été ardue (…) D’ailleurs, il était surpris de me voir. Son premier regard, ç’a été: Qu’est-ce que Barrette fait là? Il y a Alain Tremblay, un gars de la Sûreté du Québec, qui va me rejoindre. Il ne va pas prendre le lead, le policier. Je pensais qu’il allait prendre le lead, parce que, moi, ça faisait 15 à 20 minutes que j’étais là. Il pleuvait, il faisait froid. La scène est déjà assez dramatique, en plus avec cette espèce d’ambiance-là. Plus tard, j’ai demandé au policier: Pourquoi tu n’as pas pris le lead?», a demandé Michel Barrette.
Lorsque Michel a semblé manquer d’arguments, le policier aurait pris le relais, lui confirmant qu’il avait un bon contact avec le jeune homme, qu’il entendait tout et que Michel faisait ce qu’il fallait.
Cogeco Média
Le dénouement
On était sûr qu’on allait voir quelqu’un mourir en direct.
Barrette raconte qu’au-delà de la situation déjà critique, un autre danger s’ajoutait: le jeune homme n’était retenu que par ses deux talons sur un rebord de métal et, avec la pluie, la surface était extrêmement glissante.
Il explique qu’il avait même retiré ses bracelets et sa montre afin de pouvoir passer ses mains entre les barreaux, avec l’espoir de le retenir par les chevilles s’il sautait, même s’il reconnaît que cela aurait probablement été insuffisant.
Voyant l’ampleur du déploiement, hélicoptères, policiers, pont fermé et circulation paralysée, le jeune homme se serait ensuite excusé de «déranger» tout le monde.
«Et le policier a dit, au bout d’une heure: Sais-tu quoi? Je suis certain que si toi, moi et Michel, on allait s’asseoir dans une brasserie, il était 8h, le matin, et qu’on jasait devant une bonne bière, on trouverait une solution à ce que tu vis», enchaîne Michel Barrette.
Il les aurait alors regardés, faisant un mouvement que Michel a d’abord redouté comme un saut final. Finalement, le jeune homme a changé de position et a rampé vers Michel et lui a sauté dans les bras.
«(…) J’ai pu le saisir et l’accompagner jusqu’à l’ambulance et jusqu’à l’hôpital. On s’est occupé de lui, on s’est occupé de moi. Parce que, pour être honnête, quand ça s’est fini, j’ai vu le policier s’écrouler. J’ai vu la policière qui bloquait le trafic des piétons s’écrouler. Parce que nous trois, pendant 1h, on était sûrs qu’on allait voir quelqu’un mourir en direct», témoigne Michel Barrette.
Cogeco Média
Un lien fort qui perdure
«Depuis le temps, à chaque anniversaire de cette date-là, il m’envoie des photos de ses enfants, qu’il avait pas à l’époque. Il me parle de sa carrière. Il me remercie (…)», confie-t-il, ajoutant qu’un jour, alors qu’il était assis au restaurant, une dame est venue le remercier pour son geste, lui disant à quel point elle était reconnaissante que la vie du jeune homme ait été sauvée.
«Elle est partie, puis à côté de moi, il y avait qui? Le jeune homme. On soupait ensemble», raconte-t-il, ajoutant que l’homme n’a pas prononcé un mot, mais qu’il a entendu en direct le commentaire d’une dame qui parlait de lui sans savoir qu’il était là. Pour cet homme, ce moment a confirmé que le fait d’avoir changé d’idée avait non seulement sauvé sa vie, mais aussi touché d’autres personnes et porté un message d’espoir.
Barrette n’a jamais voulu être vu comme un «superhéros», mais plutôt comme un citoyen qui a reconnu la détresse et qui a choisi d’agir, aux côtés des policiers.
Son intervention a aussi un écho particulier parce qu’il a lui-même traversé des idées suicidaires dans sa jeunesse: il montre ainsi qu’on peut passer du côté de la souffrance à celui de l’aide, et que la honte est un sentiment à surpasser quand on parle de santé mentale.
En cas de besoin, vous pouvez contacter le 9-8-8, une ligne d’aide gratuite et disponible en tout temps pour les personnes vivant une crise suicidaire.