Mon coeur de mère
Ma propre maman m’en parlait souvent. Ça avait l’air d’être souffrant. Je l’entendais dire des phrases du genre : « Ah, ça c’est dur pour un coeur de mère. »
Ça me semblait, à l’époque, incompréhensible. Que cet organe, tout à coup, se mette à s’inquiéter pour deux, pour trois, pour des milliers d’enfants, parfois. Qu’il s’élargisse assez pour laisser la place et s’émouvoir de chaque larme versée, chaque blessure, chaque petit drame du quotidien. Qu’il pleure lorsque la tragédie s’abat sur une famille, comme s’il s’agissait de la sienne.
Puis, j’ai compris. Quand j’ai eu le mien. Mon coeur de maman. Je crois qu’il est né quelque part au milieu de la douleur. Dans ce moment sacré où je me suis fragmentée assez pour donner la vie. J’ai pensé mourir. Je renaissais plutôt avec cet organe à la force décuplée.
Si je me lève nuit après nuit sans faillir, ou si peu. Si je trouve encore l’énergie pour nourrir, éduquer ou sourire malgré les tempêtes et les rivières maussades, c’est grâce à lui. Ce coeur est là quand je m’oublies, quand je verse une larme la première fois que mes enfants marchent main dans la main, quand il se gonfle de fierté pour un rien.
Tant de fois j’ai serré mes petits en pleurs contre lui pour qu’ils s’apaisent, se remémorent ce temps béni où son battement était leur trame sonore. Des petits corps fiévreux contre un coeur si lourd, d’une noirceur abyssale.
Ce coeur de maman est exigeant. Il a souhaité que mon regard et mon esprit s’élargissent également. Alors je suis sortie, les bras ouverts dans l’espace. J’ai tendu les mains pour trouver celles de mes semblables. D’autres coeurs. D’autres mères. J’ai grandis avec ces femmes et éventé mes idées, tissé une trame d’amitié, de solidarité.
Parce que ce coeur aime vibrer à l’unisson. J’ai trouvé des havres où la parole était libre et l’empathie, une habitude.
Et j’ai appris l’essentiel.