
«Michel Gauvin, Mike Gauvin!»;
«On a tu passé Val-Alain? (…) On va aller chez l’Indien!»;
Ces paroles vous disent quelque chose? Oui, elles sont bien tirées d’un certain roadtrip sur l’autoroute 20, ayant fait courir les foules au cinéma (plus d’un million en recettes au box-office) en 2002, qui revit aujourd’hui sous forme de pièce de théâtre, dont la première montréalaise avait lieu au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, mercredi dernier.
Un petit chef d’oeuvre de cynisme et de lucidité!
L’idée était lumineuse: ressusciter sur scène Québec-Montréal avec une nouvelle cohorte d’acteurs, aujourd’hui au tournant de la trentaine, qui n’ont découvert que plusieurs années plus tard ce petit chef d’œuvre de cynisme et, disons-le, de lucidité. Ce premier long métrage de Ricardo Trogi qui avait, à l’époque, redonné un élan à la popularité du cinéma québécois et questionné les rapports amoureux des «bébés» de la génération X, en somme, pas si différents de ceux de leurs aînés et de leurs cadets.

Scénographie inventive
En cette ère où tant Symphorien que Les Boys et Moi et l’autre connaissent de nouvelles vies sur les planches, pourquoi ne pas poursuivre la tendance avec Québec-Montréal et ainsi (re)séduire une plus jeune tranche d’âge?
Avec des noms comme Pier-Luc Funk (Rob – Patrice Robitaille), Antoine Pilon (Rivard – Stéphane Breton), Simon Pigeon (J-P – Jean-Philippe Pearson), Mickaël Gouin (Alain Cossette – François Létourneau), Charlotte Aubin (Catherine – Isabelle Blais), Louis Carrière (Pierre-François – Pierre-François Legendre), Catherine Brunet (Julie – Julie Le Breton) et Patrick Emmanuel Abellard (Michel « Mike » Gauvin) à l’affiche, nul doute que les enfants d’Instagram auront sans doute la curiosité de découvrir ou redécouvrir ce classique local.

Cela dit, dans leur atmosphère d’emblée plus burlesque, Symphorien, Les Boys et Moi et l’autre s’arrimaient peut-être plus facilement en format théâtral que le voyage en quatre voitures de Québec-Montréal. Mais la scénographie ici élaborée est aussi inventive et efficace qu’impressionnante: on a juxtaposé des carrosseries d’automobiles dans lesquelles les artistes prennent vraiment place, sur un plateau pivotant, aussi décoré de cônes orange et autres accessoires évoquant le périple Québec-Montréal. Non seulement cet appareillage se déplace sûrement facilement en tournée, mais il permet une grande fluidité, une économie de déplacements, une compréhension rapide de l’univers, et toutes sortes de jolies trouvailles de mises en contexte. Un décor qui vaut largement le détour.
Je r’vois Mylène depuis un bout… pis ça va ben!
Pierre-François Legendre (qui, on se souvient, incarnait la moitié d’un jeune couple déjà blasé avec Julie Le Breton dans la mouture originale) signe la mise en scène de cette production qui fuse vraiment à toute vitesse, condensée en une heure vingt, pile. Tellement que certains tableaux – surtout au début – défilent trop rapidement.

Legendre ne s’est pas payé de trip créatif avec ce projet, misant plutôt sur le respect de la première œuvre pour charmer le parterre. De toute façon, si on prêche aux convertis, c’est bien l’attente des dialogues et des retournements connus, et de l’ultime punch («Je r’vois Mylène depuis un bout… pis ça va ben!») qui constituera le grand plaisir des retrouvailles.
Scènes cultes
Toutes les scènes cultes de Québec – Montréal y sont: la «théorie» sur les relations sexuelles hommes vs femmes de Rob, «l’Indien» de Val-Alain, l’orignal fantasmé dans une sniffée d’essence, le cornet de crème glacée avec Michel «Mike» Gauvin, son discours sur sa conception de la fidélité et le tourbillon d’appels téléphoniques de ses maîtresses, la révélation de l’amour secret de Cossette à sa collègue Catherine, qui se termine en arrestation…
Même la chanson de la finale (The Last Day of Our Acquaintance, de Sinéad O’Connor) est la même.

Outre quelques ajouts sympathiques (comme une chorégraphie endiablée pour saluer l’arrivée de Michel «Mike» Gauvin dans le récit et souligner son importance dans le «mythe» Québec-Montréal), à quelques virgules près, les répliques sont identiques, les intonations aussi, souvent – Catherine Brunet remporte la palme à cet égard, très collée au style de Julie Le Breton –, et parfois même les costumes. Qui plus est, les comédiens semblent s’amuser follement en les balançant. La troupe de ce Québec-Montréal 2.0 est composée d’authentiques amis dans la vie, ça se voit et ça se sent.
Un arrière-goût de désillusion…

Assurément, l’émotion est peut-être moins présente en salle de spectacle qu’au cinéma, mais les rires, eux, sont décuplés.
Quand les lumières se rallument, le même arrière-goût de désillusion nous chatouille les papilles.
Et maintenant… Est-ce qu’on attend la relecture d’Horloge biologique, son presse-jus et son «volant gainé en cuir» l’an prochain?
Québec-Montréal sur scène, au Théâtre Maisonneuve tout le week-end, puis en tournée au Québec en 2026.