« C’est une part de l’identité allemande », explique le maître-boulanger Karl-Dietmar Plentz, en plongeant ses mains dans un bac de farine tout en évoquant le projet de faire reconnaître la diversité des pains d’Allemagne par l’UNESCO.
Vingt-six variétés de pains sont en train de cuire dans les fours de son entreprise familiale, créée il y a 136 ans à Schwante, village des environs de Berlin. Derrière lui, un employé, parmi la centaine qu’il occupe, pétrit avec adresse deux boules de pâte. Elles font partie d’un lot de « pain à la pomme de terre », une des spécialités que ce boulanger prépare à la manière de son grand-père.
Fiers d’un savoir-faire qui se décline en plusieurs centaines de variétés à travers le pays, les boulangers allemands souhaitent faire reconnaître leur art du pain comme « patrimoine immatériel » de l’Humanité, par l’agence des Nations unies responsable de la Culture. À l’instar du tango argentin, du tissage de tapis en Iran ou du repas gastronomique à la française.
Pour M. Plentz, 46 ans, qui représente la quatrième génération d’une famille de boulangers et a grandi derrière le Rideau de Fer, « il est important de défendre la diversité » culinaire.
Le défi n’est pas mince face aux changements des modes de vie qui détournent de plus en plus d’Allemands du pain artisanal. La concurrence des supermarchés ou des chaînes de distribution vendant des préparations industrielles moins chères et la lente disparition du rituel de l’« Abendbrot », dîner traditionnel associant pain et viandes froides, ont décimé la profession.
Quelque 500 boulangeries artisanales ont fermé l’an dernier en Allemagne, selon leur Fédération. Depuis le début des années 1990, leur nombre a été divisé par deux, à moins de 14 000 aujourd’hui. Et la profession, qui a mauvaise image, peine à recruter dans un pays en manque de jeunes.
Le président de la fédération des artisans boulangers, Peter Becker, juge que la « diversité » des pains est l’atout principal à faire valoir auprès de l’UNESCO. À ce stade, la fédération est en train de préparer le dossier de candidature. Il s’agit de faire reconnaître « la fierté dans nos produits », dont les recettes sont transmises de génération en génération et reflètent les identités régionales, selon lui.
« En France, il y a d’excellentes baguettes, en Italie des ciabatta exceptionnelles, mais à travers le monde je pense que seule l’Allemagne possède une telle variété, du pain complet au pain blanc », a-t-il expliqué à l’AFP.
Le mois dernier, la Fédération des boulangers a organisé sa première « journée du pain allemand » et désigné deux « ambassadeurs du pain » pour défendre sa cause.
Elle fait notamment connaître son « registre du pain », un appel à la population pour recenser la totalité des recettes connues en Allemagne, préalable à la candidature au patrimoine mondial. Quelque 3000 sortes ont déjà été répertoriées sur le site web www.brotregister.de, avec des variations de céréales, de formes, de taille, de levures, de cuisson, et d’ingrédients ajoutés comme des fruits, légumes, lait, œufs, etc.
L’histoire a parfois laissé des traces, comme à Hambourg où le « Franzbrötchen », littéralement « petit pain français », témoigne de la présence napoléonienne.
L’épouse de l’ambassadeur américain à Berlin Philip Murphy a expliqué avoir fait l’éloge du pain allemand auprès de la première dame Michelle Obama, à l’occasion de sa visite en juin. « Aucun autre pain ne le dépasse », a-t-elle déclaré à des journalistes.