Le Tout-Paris se pressait jadis devant les grands magasins pour admirer les vitrines animées par des automates, mais aujourd’hui, pour voir la grosse dame tenter d’empêcher un poisson de gober son frêle mari, il faut chercher longtemps.
Le musée de l’automate de Souillac présente au public une collection originale de jouets mécaniques et d’automates datant de la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe. « Unique en Europe » par sa taille, l’endroit est « représentatif de la grande épopée » de ces objets animés très en vogue à l’heure où le cinéma existait à peine et la télévision encore moins, explique Klaus Lorenz, le conservateur et restaurateur de la collection.
La plupart des centaines d’objets exposés ont été fabriqués à Paris par la famille Roullet-Decamps, dont les ateliers ont fini par fermer leurs portes en 1995, victimes de la concurrence des jouets « made in China ».
Depuis l’Antiquité, « les hommes cherchent à imiter la vie », dit Klaus Lorenz. Mais au XIXe siècle, l’évolution des procédés de fabrication a permis la production en série des automates, qui ont cessé d’être des objets de luxe uniquement destinés à égayer les cours royales et se sont ouverts à un public « plus classe moyenne ».
Outre les jouets, les ateliers se sont mis à produire des automates publicitaires à l’image de la « laveuse » au baquet qui vante le nettoyage du bébé au savon d’une marque aujourd’hui défunte. Des « chorégraphies » entières ont aussi été inventées pour les vitrines de grands magasins parisiens, mais aussi de la Belgique et de l’Angleterre, ajoute le conservateur.
Jazz band et pêche sous-marine
À Paris, ces scènes animées par des automates électriques installés dans les vitrines de Noël drainaient des milliers de personnes. Beaucoup ont disparu, à l’instar du tableau dépeignant en 1909 « l’arrivée de l’amiral Peary au Pôle Nord ».
Mais le public peut encore en admirer certaines à Souillac (d’autres sont exposées au musée des automates de Falaise, dans le Calvados), telle la scène du quai de métro présentant des oies échappées d’un panier de paysannes qui provoquent l’affolement général.
Le jazz band a aussi beaucoup de succès auprès des visiteurs, de même que la « pêche sous-marine », qui vient tout juste de sortir des réserves pour être restaurée. Créée pour les vitrines des Galeries Lafayette en 1948 d’après une œuvre du dessinateur humoristique Albert Dubout, la scène a pour personnages centraux une dame bien en chair qui tente de sauver son minuscule époux de la gueule grande ouverte d’un poisson.
Aujourd’hui, les automates des grands magasins ont quasiment disparu, cédant la place à des marionnettes animées à l’aide de fils.
Si ces scènes animées sont très complexes, la conception des automates, qu’ils soient mécaniques ou électriques, est elle aussi « très élaborée », souligne Klaus Lorenz. Des leviers responsables « d’un seul mouvement » sont actionnés par des roues dentées. « Les créateurs devaient avoir une pensée trois dimensionnelle ».
Le musée a été inauguré en 1988. La maison Roullet-Decamps avait l’habitude d’organiser des expositions temporaires de ses pièces et était venue plusieurs fois à Souillac. De son côté, la commune ne savait que faire du vaste bâtiment laissé en friche par la Seita jouxtant sa très belle abbatiale. L’État a fait le reste en rachetant les pièces, se rappelle Corine Ayat, adjointe à la Culture de cette commune de 4 000 habitants.
L’endroit attire 22 000 visiteurs par an, dont certains viennent de très loin. Mais madame Ayat aimerait faire venir plus de monde dans le petit musée insolite (www.musee-automate.fr). « La région est très attirante pour le tourisme culturel », mais le musée, « ça change des vieilles pierres », dit-elle.