Tous les stylistes en chef des constructeurs automobiles ont généralement le statut de vedette. En effet, ce sont eux qui sont responsables de la silhouette des voitures offertes sur le marché et un design réussi peut être responsable de chiffres de vente positifs. En général, ces designers sont des personnages à part, généralement vêtus de noir avec chemise blanche lors des présentations et ils s’expriment dans un langage codé qui est parfois proche du délire. Lorsque rencontrés individuellement, ce sont des personnes fort intéressantes ayant des opinions sur un peu tout et capables de critiquer leur travail sans vouloir trouver des excuses.
Mais, l’un des stylistes les plus différents des autres est sans contredit Jerry Hirshberg qui a connu une intéressante carrière chez General Motors avant de devenir le responsable du stylisme chez Nissan Amérique du Nord et fondateur du centre Nissan de design international -NDI ? à La Jolla en Californie.
Mais avant de devenir un styliste automobile, il a connu une carrière musicale sous le nom de Jerry Paul et a enregistré la chanson « Sparkling Blue » qui a connu du succès au Hit-Parade américain, ce qui lui a permis d’être en première partie des spectacles de chanteurs fort connus à l’époque qu’étaient Bobby Rydell, Fabian et Frankie Avalon.



Jerry Paul and The Plebe
Mais il a abandonné sa carrière musicale après avoir gradué en Design du Cleveland Institute of art. Diplôme en poche, il poursuit ses études en Europe avant de revenir en Amérique et être engagé chez General Motors en tant que styliste. Au fil des années, il a participé à l’élaboration de voitures passablement intéressantes comme la Pontiac Firebird 1967, la Pontiac GTO 1968 et finalement la légendaire Buick Riviera 1971. Lorsqu’il a quitté GM en 1980, il était devenu le designer en chef des divisions Pontiac et Buick.

Buick Riviera 1971

Buick Riviera 1971

Pontiac GTO 1968
Nissan Design International
Une fois en poste à titre du directeur de stylisme en Amérique du Nord, il est devenu président du Centre de design international de Nissan. Ce fut l’un des premiers établissements du genre avec celui de Toyota ? Calty -établi lui aussi en Californie. Les deux constructeurs japonais avaient choisi la Californie pour y établir ces centres de créativité en raison du style de vie différent et du caractère social avant-gardiste de cet état.
Et on était loin de s’ennuyer à ce centre de créativité de Nissan. Hirshberg avait fait aménager un terrain de volley-ball dans la cour de l’établissement afin de permettre à ses employés de relaxer de temps à autre. De plus, il ne daigne pas les faire participer à des activités extra curriculaires. Parfois, il amenait tout son groupe au cinéma, au salon de quilles ou à toute autre activité indépendante de leur travail. Enfin, pour stimuler leur créativité, NDI a accepté des contrats qui n’avaient rien à voir avec l’automobile. Son groupe a ainsi dessiné une botte de ski pour Salomon, un club de golf pour la compagnie Taylor Made, un gros yacht de luxe en plus d’un ordinateur pour la compagnie RDI. Mieux encore, plusieurs de ces designs ont obtenu des prix en fait de qualité de stylisme.

Nissan Pathfinder 1985


Nissan Gobi 1990 (concept)

Nissan NX 1991

Infiniti J30 1992
Pour les TDC !!!!
Au cours de la première décennie d’opération de ce centre de créativité, plusieurs des voitures qui ont été dessinées se sont démarquées par leur caractère original. On peut citer par exemple le Pathfinder qui était un VUS qui se différenciait de la concurrence par sa silhouette. D’ailleurs, plusieurs des composantes visuelles de ce véhicule ont été reprises par la suite sur d’autres modèles.
L’arrivée de la nouvelle division Infiniti a permis à ces créateurs de s’intéresser à cette marque de luxe, concurrente directe de Lexus de Toyota. On a alors dessiné la J30, une berline intermédiaire dont les lignes étaient assez originales. Et chaque fois qu’on dévoilait un nouveau modèle chez NDI, Hirshberg y allait d’une présentation qui était toujours fort colorée. Mais, dans le cadre de la J30, il s’est surpassé. En effet, il a souligné que dans certaines catégories de voitures, il fallait songer à la clientèle de façon plus particulière et je cite : « Ce modèle a été dessiné pour une clientèle d’hommes d’affaires, bref des trous du cul. »
Inutile de préciser que cette phrase, qui n’a pas nécessairement été appréciée au quartier général japonais, en fait le tour de la planète automobile. Malheureusement pour notre homme, la J 30 n’a pas connu beaucoup de succès et on a blâmé sa silhouette. Pour avoir conduit ce modèle, il faut ajouter qu’une position de conduite inconfortable, des performances moyennes et une tenue de route quelconque sans ajouter un prix assez relevé n’ont pas contribué non plus à sa popularité.

Infini J 30
Il semble que par la suite, la grande majorité des voitures dessinées à La Jolla, se démarquait par un stylisme pratiquement anonyme. C’était fini le temps de la créativité à gogo et des modèles hors normes. Une exception, un peu avant son départ de la direction du design Nissan en Amérique, Hirshberg a convaincu Carlos Ghosn, nouvellement arrivé à la direction de Nissan Motor Corporation, de ne pas abandonner la Nissan Z et a dessiné une voiture concept de ce coupé sport qui est considéré comme un classique du genre. Ce fut son chant du cygne chez ce constructeur.
Il faut préciser que son départ n’était pas une retraite forcée, on lui avait même offert le poste de chef du stylisme de toute la compagnie. Il a préféré se retirer, car au cours des 10 dernières années de son poste de directeur de NDI, la plupart des voitures à la silhouette anonyme avaient été des exigences des grands patrons japonais. Pourtant, son départ a coïncidé avec l’arrivée de Carlos Ghosn qui privilégiait le stylisme plus agressif des produits Nissan. Peut-être que la réputation de ce dernier que l’on appelait le « Cost Cutter » a influencé la décision de l’ Américain.

Nissan Quest 1992

Nissan Altima 1992

Nissan Sentra 1995

Nissan Xterra 1999
Langue de bois : connaît pas