Pendant longtemps, je me suis demandé si je souhaitais réellement devenir maman. Je n’avais pas de petit frère ou de petite soeur et mon expérience avec les bébés s’avérait extrêmement limitée. Je craignais de ne pas être à la hauteur ou, pire, de ne pas apprécier ce nouveau rôle.
Puis, à l’approche de nos 30 ans, mon mari et moi avons décidé de sauter le pas. Il avait toujours voulu des enfants et mes ovaires commençaient drôlement à m’interpeler. Après une grossesse des plus normales, ma fille est née. Puis, rien ne s’est passé comme prévu: nous avons connu les pleurs incessants, les nuits blanches à répétition, l’annonce de son syndrome génétique puis son décès subi alors qu’elle était âgée de deux ans et demi.
Malgré tous les défis associés à mon entrée dans le monde de la maternité, ma fille m’a appris à aimer d’un amour que je ne croyais pas possible. Elle m’a appris à me dépasser et à apprécier plus que tout mon nouveau rôle de maman.
Nous avons donc eu deux autres enfants, soit deux garçons en santé. Le premier est né huit jours après le décès de notre fille. Inutile de dire qu’il est arrivé dans un contexte bien particulier et qu’il a été couvert d’amour (et de larmes!). Notre deuxième garçon est arrivé trois ans plus tard et est maintenant âgé d’un an et demi.
Je dois me rendre à l’évidence que je n’aurai bientôt plus de bébé. Depuis, je vis un conflit intérieur important: mon coeur souhaiterait avoir un autre enfant, alors que ma tête me crie que ce serait de la pure folie.
Car oui, ce serait de la folie.
Le premier argument de mon côté rationnel est que nous nous sentons épuisés. La vie avec notre fille n’a pas été de tout repos. Nous avons enchaîné des nuits sans dormir, des périodes de stress intenses, des hospitalisations et un deuil qui ne se terminera jamais. De plus, malgré que nos deux garçons sont en santé, j’ai tendance à être très anxieuse lorsqu’ils sont bébés. Je crains qu’on m’annonce, une fois de plus, que quelque chose ne va pas avec eux. J’ai aussi dû subir une biopsie à douze semaines de grossesse pour nous assurer qu’ils n’avaient pas le même syndrome que notre fille. Une nouvelle grossesse impliquerait une nouvelle biopsie et une autre attente insupportable des résultats. Par ailleurs, mes 37 ans me rendent plus à risque d’avoir un enfant atteint de trisomie. Je dois me rendre à l’évidence que ma tolérance au stress et au risque a été drôlement fragilisée avec les épreuves des dernières années.
Une autre raison est que même si nos garçons sont en santé, ils sont légèrement insomniaques. Notre plus grand s’est réveillé plusieurs fois par nuit jusqu’à ce qu’il ait un an et demi et s’endort rarement avant 22h00. Les soirées où nous pouvons prendre du temps pour nous ou pour notre couple se font donc très rares. Quant à notre petit dernier, il adore imiter son frère à cet âge en se réveillant plusieurs fois par nuit. Depuis sa naissance, je n’ai jamais dormi une nuit entière. Avoir un autre petit insomniaque et ne pas dormir pendant encore quelques années serait assurément dangereux pour notre santé physique et mentale!
Me retrouver, à 40 ans, à changer des couches pour une dixième année consécutive n’est également pas envisageable pour mon côté rationnel.
Lorsque l’envie d’avoir un autre bébé me prend, ma tête me rappelle aussi que nous adorons voyager. Avoir un quatrième enfant (donc un troisième enfant vivant) rendrait nos voyages plus ardus et plus rares. Cette raison peut paraître égoïste, mais elle est bien réelle.
Par contre, mon coeur fond lorsque je regarde des photos de nos bébés, que je colle mon petit dernier en l’allaitant ou que j’aperçois une maman avec son bébé. Mon coeur aimerait revivre une grossesse, un accouchement et les joies de découvrir une nouvelle petite personne et de l’aimer de plus en plus chaque jour.
Je demeure aussi avec cette drôle d’impression que notre famille est incomplète. Mon coeur me dit alors qu’un autre bébé pourrait la rendre plus complète. Qu’il pourrait chasser ce sentiment.
Puis, lorsqu’il j’y réfléchis, j’en arrive à la conclusion que notre famille est réellement incomplète et qu’elle le restera à jamais, puisque notre fille n’y est plus. Un autre enfant nous apporterait sans aucun doute beaucoup d’amour et de joie, mais ne comblerait jamais l’immense vide que son départ a créé en nous.
Je laisserai donc ma tête (et mon mari!) l’emporter sur mon coeur. Je me contenterai des bébés de mes amis ou, peut-être un jour, de mes petits-enfants. Je dois réellement lutter contre mon c?ur et faire un deuil, mais il s’agit fort probablement de la meilleure décision pour ma famille et pour moi.
Comment en êtes-vous arrivé.e à la conclusion que votre famille était terminée?