Mejah Mbuya est l’un des fondateurs d’Africa Roots, une agence de voyages qui, outre les traditionnels safaris et randonnées, propose un circuit, à pied ou à bicyclette, à la découverte de l’histoire de la ville et notamment des traces de ce passé.
C’est à Dar es Salaam, alors capitale du jeune Tanganyika tout juste indépendant, qu’a été fondé en 1962, le Front de libération du Mozambique (Frelimo). La guérilla indépendantiste mozambicaine y conservera son siège jusqu’à l’indépendance en 1975 du Mozambique, dont il restera le parti unique jusqu’en 1990.
La Tanzanie célèbre cette année le cinquantième anniversaire de sa création, en 1964, née de l’union du Tanganyika et de Zanzibar, peu de temps après leurs indépendances respectives.
De l’autre côté de la rue, l’ANC (Congrès national africain) de Nelson Mandela eut également des bureaux.
En janvier 1962, quelques mois avant d’être emprisonné en Afrique du Sud durant 28 ans, Mandela lui-même s’est rendu à Dar es Salaam pour rencontrer Oliver Tambo, chef de l’ANC en exil, et discuter de la récente création de l’Umkhonto we Sizwe, la branche armée du mouvement antiapartheid.
Il y a rencontré également Julius Nyerere, alors premier ministre du Tanganyika et futur président de Tanzanie. Son idéal panafricain attirera dans son pays nombre de membres des mouvements indépendantistes du continent ou des défenseurs des droits des Noirs américains.
« Je veux que les Tanzaniens connaissent leur histoire. C’est quelque chose qu’ils devraient connaître et dont ils devraient être fiers » , explique Mejah Mbuya.
« Mais je veux aussi partager cette histoire avec le reste du monde, notamment les Sud-Africains. Il y a actuellement beaucoup de xénophobie (anti-africaine) en Afrique du Sud. Les Sud-Africains s’inquiètent que des gens du reste de l’Afrique viennent prendre leurs emplois. Je veux qu’ils se souviennent qu’ils ont une importante dette envers la Tanzanie et d’autres pays africains », dit-il.
Le circuit d’Afri Roots commence dans les effluves et la moiteur du marché aux poissons. Il continue au New Africa Hotel, lieu de rencontre prisé au début des années 1960 par les membres de l’ANC ou d’autres mouvements de libération.
L’étape suivante conduit à l’hôtel où Malcom X, militant des droits des Noirs américains, séjourna en 1964. Il est désormais transformé en immeuble de bureaux, très demandés dans la capitale économique.
Plus loin, au restaurant New Zahir, toujours animé à l’heure du déjeuner, le révolutionnaire cubain Che Guevara rencontrait en 1965 les rebelles congolais anti-Mobutu de Laurent-Désiré Kabila, pour préparer une campagne au Congo qui tournera court. Le « Che » repassera à Dar es Salaam quelque mois plus tard, après l’échec de son aventure congolaise.
A la fin de la visite, devant un verre de vesou, Mejah Mbuya regrette que son pays reste peu développé après avoir tant donné aux grandes luttes anticoloniales du XXe siècle. « La Tanzanie était comme une bougie. Elle a fourni de la lumière à d’autres qui avaient besoin d’espoir, mais s’est consumée ».