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Ce banal accident qui a fait remonter toute cette culpabilité que j’éprouve envers mon plus jeune

Tire, tire et tourne. On change de côté, demi-tour s’il vous plait. Tire un peu à droite, un peu à gauche, BOUM!

Le chariot, contenant ma fille de 2 ans, mon bébé de 9 mois et leur ami de 12 mois chavire sans que je puisse réagir d’une quelconque façon, tout se fait trop vite. Seule avec les 3, mon cerveau réagit vite, par terre je m’accroupis et prends les 3 enfants contre moi en me rendant vite compte que le plus jeune est plus affecté par la chute. Mon plus jeune, mon petit Caleb, Calilou pour les intimes. Mon bébé qui a toujours dû partager sa place avec sa sœur, lui qui n’a jamais passé toute une nuit dans mes bras, parce que mes bras sont trop remplis. Mon garçon. Si doux, si petit, si fragile. Lui avais-je fait du mal? Pourquoi avait-il fallu que je tourne ce chariot? Une fois à la maison, Caleb semble pleinement remis de l’incident et rigole avec ses ami.e.s, mais maman, elle n’a rien oublié. Je décide alors d’appeler au 811, en cherchant du réconfort, mais on me dicte plutôt d’aller à l’urgence, le sourire de Caleb ne veut rien dire, il peut y avoir des saignements intracrâniens.  Mon attente à l’hôpital pour enfant d’Ottawa fut la plus longue attente de toute ma vie, j’imaginais mon bébé devoir subir une panoplie de tests et d’interventions médicales pour un évènement qui, selon ma perception, relevait entièrement de ma faute.

Ma faute. C’est moi qui ai tourné le chariot. C’est moi. La vérité c’est que le chariot n’est que la pointe de l’iceberg, ma culpabilité envers Caleb va bien plus loin que cela. Caleb, c’est mon bébé qui grandit trop vite. Il ne peut pas être cajolé pendant des heures et faire ses siestes sur moi. Parce que. Parce que sa sœur est aussi avec nous 24h sur 24. Parce que la pandémie nous a isolés et que nous devons gérer tout seuls. Parce qu’on fait de notre mieux, mais qu’à deux parents, nous ne sommes pas un village, nous sommes juste deux parents.

Caleb s’en sort, sans test, rien. Quelques signes à surveiller pour les prochaines heures, rien de plus. Caleb s’en sort indemne, mais maman devra nettoyer son cœur.

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Parentalité et environnement, pas toujours compatibles!

Quand je suis devenue maman, j’ai poursuivi sur ma lancée : couches lavables, lingettes lavables, achat d’articles usagés, etc. C’était facile. Facile parce qu’il s’agissait d’éléments sur lesquels j’avais le contrôle. Mais dans la vie, on ne contrôle que très peu de choses. Surtout quand il y a des enfants dans le portrait. Je continue à faire de mon mieux, bien sûr, mais j’ai dû lâcher prise et accepter que sur certains trucs je n’aie pas le contrôle. Parce qu’à certains égards, parentalité rime avec gaspillage.

Alors je serre les dents, et je gaspille. Surtout en ce qui concerne…

Les bricolages et les dessins

La quantité de bricolages et de dessins qui se retrouvent au recyclage depuis que j’ai des enfants est effarante. J’ai beau réutiliser tant que possible (papier brouillon, boîtes de carton, rouleaux de papier de toilette, cartons d’œufs) et conserver les retailles, je ne fournis pas, et c’est du papier neuf qu’on utilise le plus souvent. Les dessins — souvent diverses réinterprétations du même concept — s’empilent sur la table de la cuisine à une vitesse folle, me forçant à faire le tri au moins une fois par semaine. J’en affiche certains, j’en conserve d’autres, mais il est tout simplement impossible de tout garder. Et je ne vous parle même pas de ce que les garçons ramènent de l’école et du service de garde! Mais faudrait-il vraiment les empêcher de développer leur créativité? Bien sûr que non. Alors je recycle…

Les pansements

Je me souviens que, petite, je croyais que se cachaient dans les pansements des petits travailleurs qui venaient réparer mon bobo. Par conséquent, dès que je me faisais une petite égratignure, je me mettais un pansement pour qu’elle puisse guérir! Quel gaspillage! J’ai donc expliqué à Coco et à Bout d’Chou que les pansements sont généralement inutiles pour les blessures qui ne saignent pas. Et je dois dire que bien souvent ils se montrent raisonnables. Souvent, je donne des bisous magiques ou j’applique de la glace pour faire passer la grosse peine causée par le petit bobo. Mais il y a des fois où rien, absolument rien d’autre qu’un pansement ne saurait faire l’affaire. Ces fois-là, je me rends à l’évidence. Il faut savoir respecter la magie des pansements…

La nourriture

Je suis une adepte de la théorie qui veut qu’aux repas, les parents décident de la qualité, les enfants décident de la quantité. Autrement dit, je décide ce qui va dans l’assiette, et Coco et Bout d’Chou décident ce qu’ils en mangent. Ça permet d’exposer régulièrement les enfants à une variété d’aliments (et parfois après quelques mois, ils finissent par accepter certains légumes), mais ça fait aussi que les assiettes ne sont jamais vides à la fin du repas. Il reste systématiquement une pile de poivrons, d’épinards ou d’autres mal-aimés qui vont finir leur vie au compost. Et gaspiller de la nourriture, je déteste vraiment, mais vraiment ça. Mais je ne peux pas non plus cesser de proposer des oignons aux enfants…

Alors voilà. Je n’aime pas ça, mais je gaspille. Je me console en me disant que c’est temporaire. À 18 ans, les enfants ne devraient plus passer au travers d’autant de pansements, non?

Et vous, sur quelles batailles environnementales avez-vous lâché prise?

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Culpabilité parentale en temps de pandémie

(CHRONIQUE)
Être parent, c’est se sentir coupable. Pour tout, pour rien — mais tout le temps. C’est ce petit goût amer, constamment : cette impression d’échec, ce sentiment qu’on aurait pu, qu’on aurait dû, faire mieux. Et être parent en pleine pandémie, c’est découvrir tout plein de nouvelles raisons de se sentir coupable.
D’avance, on n’y coupe pas : c’est sûrement ma faute. J’aurais dû être plus patiente. Je m’y prends sans doute mal. J’aurais peut-être dû prendre telle autre décision. On aime tellement ces petits humains, on veut tellement les porter au plus loin d’eux-mêmes qu’on voudrait ne jamais se tromper et leur offrir le parent parfait qu’ils méritent.
Mais comme si ce n’était pas déjà assez, à tous ces reproches injustifiés qu’on s’adresse au quotidien viennent, depuis le printemps dernier, s’ajouter une foule de petits blâmes jusqu’alors inédits.
Crédit:August de Richelieu/Pexels
Au printemps, il y a eu la culpabilité de travailler en s’occupant des enfants; la culpabilité de faire deux choses en même temps et donc, nécessairement, de faire chacune à moitié. La culpabilité de recourir aux écrans pour respecter une échéance et de prononcer beaucoup trop souvent les mots « pas maintenant » à des enfants qui ne réclament, bien souvent, que des miettes d’attention. La culpabilité de ne plus être une employée particulièrement efficace ou fiable, d’être toujours un peu déconcentrée et de devoir chuchoter pendant une réunion parce qu’un enfant nous dort sur les genoux. Bref, la culpabilité de négliger à la fois ses enfants et son travail.
À l’été, les écoles, les garderies et les camps de jour ont rouvert. La culpabilité s’est scindée en deux, et on a eu le choix. Le choix de se sentir coupable de garder encore les enfants à la maison alors qu’on devait travailler, de les priver de leur vie sociale et de leurs amis alors qu’il y avait d’autres options, et celui de les renvoyer dans leur milieu à l’aveuglette, sans certitude, avec une petite impression de sacrifice.
À l’automne, il y a eu la culpabilité d’envoyer les enfants à l’école comme si de rien n’était (ou presque). De les envoyer passer leurs journées dans des classes pleines, sans distanciation, et de ne pouvoir leur promettre que tout irait bien.
À l’hiver, dans notre cas, il y a eu une éclosion de COVID-19 à l’école. Du jour au lendemain, l’école a fermé, les enfants se sont ramassés en isolement, et le dépistage nous a été fortement recommandé. Il y a alors eu la culpabilité de les avoir envoyés à l’école malgré le risque. La culpabilité de n’avoir pu empêcher l’inévitable. La lancinante culpabilité, celle qui tord par en dedans, de voir les larmes couler sur leurs joues pendant qu’ils se faisaient enfoncer un écouvillon dans le nez. Je recolle encore des morceaux de mon coeur qui a éclaté ce jour-là; je crois bien en avoir égaré certains pour de bon.
Le congé des Fêtes a pris fin, et, depuis, il y a la culpabilité d’avoir renvoyé les enfants à cette école en faisant abstraction du fait que, probablement, le deuxième épisode ne se fera pas attendre bien longtemps.
Être parent en pandémie, c’est devoir prendre des décisions à tâtons dans un monde d’une imprévisibilité chronique et espérer ne pas les regretter. C’est ne pouvoir évaluer l’opportunité de chacune qu’après coup. Ce n’est pas évident, et ce n’est pas encore fini.
On en a encore pour un bout, et ça continuera à être difficile. Mais, avec un peu de chance, quand on retournera à nos petites culpabilités d’avant, elles nous paraîtront par comparaison bien futiles.
Crédit:Keenan Constance/Pexels