Le 10 août aura à jamais une saveur particulière. Une odeur de toundra. Un vent froid qui pénètre l’âme. Un écho de rire d’enfants et un soleil éternel qui ne se couche qu’au petit matin.
Il y a un an, je partais vivre la plus grande/grave aventure de ma vie. Enseignante au Nunavik. Moi qui avais toujours vécu ma carrière dans un cadre d’école privée. Une aventure que certains disent nécessaire (ils ne savent pas), que d’autres qualifieront de
belle expérience (ils ne comprennent pas). Je ne la qualifierai pas. Parce que je n’ai toujours pas trouvé les mots justes pour la définir.
Certes, elle m’a (re)définie comme personne. Elle a refait et écorché les contours de celle que j’étais. Étrangement, j’ai encore des flashbacks d’odeur du Grand Nord. De grands vertiges lorsque j’écoute Inscape d’Alexandra Streliski.
J’avais une amie qui enseignait déjà là-bas, qui s’est avérée être tout sauf une amie. Qui, voyant ma détresse, a préféré la qualifier de « faiblesse » et disparaître. Certains vivent le Nord comme la plus belle des aventures et y passent des années. Et il y a les autres. J’étais l’autre.
Je crois que certaines rides creusées par mes larmes ne s’estomperont jamais. J’ai été éblouie, surprise, déracinée, conquise. Terrassée, ébranlée, perdue, abattue. J’ai dépassé les limites de moi-même que je ne connaissais pas. C’était effrayant. Et effrayée, je l’ai été plus d’une fois dans mon exil volontaire.
Même si je n’y suis plus, une partie de moi est restée dans la toundra. Une belle partie. Une partie que je ne retrouverai jamais.
J’entends encore les rires sonores d’Adamie et Harry dans le couloir avant la cloche. Les larmes de Susie que je console. La détresse d’Elaisa que je n’ai jamais su soulager. Le bruit de la détresse humaine. Les cloches des enterrements hebdomadaires. Le vent qui claque dans le drapeau en(core) berne. L’odeur des blizzards. L’impitoyable beauté du Grand Nord. Les enfants qui se tuent et qui tuent leur chiot par ennui. La beauté des aurores boréales enlacée dans les bras de celui que j’aime. La peur au ventre quand la balle de fusil traverse la fenêtre de mon salon une nuit d’octobre. Les journées sans soleil et sans joie. Le silence de l’isolement. La maison qui craque sous le poids des bourrasques de vent à 120 km/h.
Je ne retournerai jamais au Grand Nord. Mais le Grand Nord ne me quittera jamais plus.
Ce texte nous a été envoyé par une lectrice. Vous avez aussi une histoire à partager? Écrivez-nous au info@tplmag.com