(CHRONIQUE)
Il est cinq heures et demie le matin. Il y a quelques jours à peine, les rayons du soleil commençaient à éclairer ma chambre à cette heure hâtive. Or, en ce début de mois d’octobre, il fait encore noir comme l’ébène. Seule la veilleuse de ma fille, blottie contre moi, me permet de voir qu’elle dort encore profondément.
Moi, je suis bien réveillée. En me couchant hier soir, j’avais hâte de me réveiller. Même si le test acheté au Dollarama que j’avais fait il y a deux jours était négatif, un doute (ou était-ce l’espoir?) avait persisté. Je l’avais pourtant regardé de tous les angles possibles, sous la lumière sévère de ma salle de bain. La deuxième ligne n’était pas apparue. Je n’étais pas surprise, je ne m’attendais pas à en voir une non plus. À peine deux cycles, espacés de plus de quarante jours, avaient frappé mon corps depuis mon petit deuxième. Je n’avais alors aucune idée de ma date d’ovulation.
Le lendemain, en me rendant à la pharmacie pour acheter des suces (comment font-elles pour disparaître si rapidement et définitivement dans mon petit appartement?), je n’ai pas pu m’empêcher d’acheter un Clearblue digital. Ce test-là, il ne ment pas. Lire les mots « Pas enceinte », ça ne laisse pas de doute, juste un petit goût amer.
Je me lève donc à pas feutrés et j’exécute les quelques enjambées qui me mènent à la salle de bain. Je fais le test sans attendre. D’habitude, ça prend une bonne minute ou deux pour apparaître, donc je dépose le test en me faisant croire que je ne vais pas le fixer anxieusement jusqu’à ce que la vérité s’expose à moi.
Ça n’a pris que quelques secondes. Dix, peut-être douze, je n’ai pas eu le temps de compter.
« Enceinte »
QUOI? Je vois des points noirs. Je suis surprise comme jamais je ne l’ai été aux tests positifs de mes grossesses précédentes. Je pensais que je m’étais fait des idées, que les petits maux de cœur matinaux que j’avais vécus les derniers jours étaient tout droit sortis de mon imagination. Je m’assois sur le couvercle de la toilette. « Je suis enceinte », que je me répète.
Cette nouvelle chamboule mon quotidien pas mal plus que lors de mes grossesses antérieures. Cette fois, il y a une PANDÉMIE. Je serai en retrait préventif. En conséquence, tous mes collègues apprendront immédiatement ma grossesse. Je ne verrai plus mes élèves. Je ferai encore plus attention lors de mes sorties obligées. Je demanderai à mon chum qui travaille à l’urgence d’un hôpital de recommencer à prendre sa douche immédiatement en arrivant de la job. En plus, si tout va bien, c’est ma dernière grossesse, c’est ça le plan. Ouf, je suis étourdie. Ça fait beaucoup d’informations pour mon petit cœur. Je ne pensais pas que cette grossesse arriverait aussi rapidement!
Je respire, je souris.
Je suis vraiment contente.
Je suis vraiment chanceuse de vivre ça.
Ce sera une grossesse particulière, c’est certain. Il faudra que j’accepte, encore un peu plus, de ne pas tout contrôler (ce n’est pas ma force). Sauf que je sais que ce sera beau. Surtout, dans quelques mois, je rencontrerai un nouvel humain. Et je vais l’aimer.
Je l’aime déjà.
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