Saviez-vous que plusieurs cinéastes se partagent la réalisation de la série Sorcières, à TVA, et que, dans le lot, se trouve Ian Lagarde, qui fut jadis un enfant acteur très occupé?
Il y a une trentaine d’années, Ian Lagarde bouleversait plusieurs Québécois dans la peau du petit Clovis de la choquante série Au nom du père et du fils, diffusée à TVA au printemps 1993. Son personnage était un jeune Algonquien, fruit de l’amour adultère entre le respecté docteur Philippe Lafresnière (Yves Soutière) et la jeune Amérindienne (comme le voulait l’appellation de l’époque, on dirait aujourd’hui Autochtone) Marie-Jeanne Sauvageau, ou Biche Pensive (Geneviève Rochette), dans le petit village de Saint-Bernard, dans les Hautes-Laurentides, au tournant des années 1900. À la mort de sa mère, Clovis était forcé d’aller vivre avec l’austère curé Alcide Plamondon (Pierre Chagnon, demeuré très identifié à ce rôle puissant), qui régnait sur sa communauté avec une poigne de fer et faisait endurer sévices physiques et psychologiques à son jeune pensionnaire, par envie de vengeance envers le Dr Lafresnière. Plusieurs épisodes d’Au nom du père et du fils sont aujourd’hui disponibles sur YouTube.
Pour Ian Lagarde, le souvenir des tournages de cette saga d’époque adaptée du roman du même titre de l’auteure Francine Ouellette (1984) n’évoque que de la joie. Non, aucun enfant n’a réellement été maltraité sur le plateau d’Au nom du père et du fils! Et Ian Lagarde avait beaucoup de plaisir à travailler avec Pierre Chagnon.
«C’était super cool! J’avais été très bien traité. Plein de gens me demandent, encore aujourd’hui, si j’accepterais de laisser mes enfants devenir comédiens, et je réponds : pourquoi pas! Les games de hockey peuvent être aussi toxiques. C’est une question d’encadrement. C’est un super milieu pour apprendre plein d’affaires, découvrir beaucoup de choses», explique Ian Lagarde, en entrevue avec Hollywood PQ.
«Ça ne devait pas être facile pour lui non plus», continue l’artiste au sujet de Pierre Chagnon, qui devait se prêter à des scènes à caractère sexuel un peu délicates avec son jeune partenaire de jeu. «J’étais en pleine puberté, à ce moment-là. C’était vraiment spécial pour moi de jouer ça quand j’avais 12 ans, mais tout le monde était très gentil.»
Dans les années 1990, Ian Lagarde avait aussi été de la distribution du Club des 100 watts, entre autres. Or, sa carrière d’acteur s’est brusquement interrompue au début de l’adolescence, peu après Au nom du père et du fils, en raison de… sa grandeur!
«À 13 ans, je mesurais déjà 6 pieds», se rappelle-t-il. «J’arrivais en audition, et les gens me disaient que j’étais beaucoup trop grand, que ça ne marchait pas… (rires)»
Heureusement, le garçon n’était pas à bout de ressources. Il s’est orienté vers des études en cinéma au Cégep de Saint-Laurent et à l’Université Concordia.
«Très jeune, j’ai compris que j’aimais la caméra et que j’avais envie de faire ça. Puisque j’ai grandi vite, j’ai dû réfléchir rapidement aux alternatives. Je faisais aussi de la musique, de la photo et de l’écriture. Je me disais que je pouvais combiner ces trois passions-là. Je ne me voyais pas faire autre chose.»
Pendant plusieurs années, il a œuvré dans la direction photo et collaboré à plusieurs films et séries, avant de devenir réalisateur. Outre Sorcières, Ian Lagarde proposait en 2017 son premier long métrage très acclamé, All You Can Eat Bouddha. Il planche actuellement sur d’autres scénarios et attend, entre autres, le financement qui lui permettra de filmer l’adaptation au grand écran du roman Ce qu’on respire sur Tatouine, de Jean-Christophe Réhel.
«L’énergie d’un plateau est le fun. Il y a quelque chose de très enivrant, à voir sa vision portée à l’écran, ou à adapter celle des autres. Dans une série comme Sorcières, tout le monde donne son 1000 %; ça se fait à la sueur du front de toute l’équipe, producteurs, acteurs, techniciens, gens de postproduction», souligne celui qui remportait en septembre dernier un trophée Gémeaux pour son boulot sur Sorcières.
Ian Lagarde se fait-il encore souvent parler d’Au nom du père et du fils? C’était davantage le cas il y a une dizaine d’années, dit-il, lorsque la série a été rediffusée sur la chaîne Prise 2.
«Ça arrive de temps en temps, mais de moins en moins. J’ai 43 ans, maintenant! Ça date de presque 32 ans (rires) Ça s’étiole de plus en plus…»
Et l’homme aimerait-il renouer avec le métier de comédien, retraverser du derrière au-devant de la caméra? La question le fait hésiter.
«Je ne sais pas! Par respect pour les acteurs et actrices qui se commettent, je me sentirais mal de dire que je laisse une porte ouverte. Mais, en même temps… C’est le fun, jouer! (rires) Ce qui est difficile, c’est le temps entre les projets et les auditions, les douleurs d’ego, le fait d’être à la merci des projets des autres. Je suis présentement à ma place, sur mon X. Mais si on m’en parlait, sûrement que j’accepterais…»