Lundi dernier, soit le 18 avril, David Goudreault était de passage sur les plateaux de tournage de la première émission de la nouvelle saison de Bonsoir Bonsoir. L’auteur et chroniqueur a performé, en direct, sa toute première lettre de l’été, adressée aux mal-aimés.
Lors du tout premier épisode de la saison, le slammeur a figé en pleine lecture. En fait, le prompteur sur lequel défilait son texte est tombé en panne. David Goudreault a donc dû arrêter de lire, attendre que la panne soit réglée et a recommencé son texte du début.
Les joies de la télé en direct!
Après sa performance, il est allé s’asseoir avec l’animateur, Jean-Philippe Wauthier, ainsi que l’invité de la soirée, Louis-José Houde. Il a confié : « J’ai fait ce cauchemar à plusieurs reprises dans les 10 dernières années. D’être sur scène et d’avoir un blanc de mémoire ou d’avoir un prompteur radio-canadien qui m’abandonne à un moment crucial ».
Voici le texte complet de David Goudreault, qui, fidèle à ses textes habituels, était complètement poignant : « On n’a pas besoin de toi. Mais toi, t’as peut-être besoin d’une lettre d’amour aux mal-aimés. Aux poqués, habitués de manger de la misère et des pâtes. Même que parfois, il manque de pâtes. Aux mal-attentionnés, qui ont manqué d’intention. Aux derniers choisis de la classe. À celle qui se met en équipe avec elle-même. Toujours un peu à part, à la table des petits. Au bureau des psys, à traiter le syndrome de l’exclu. Comprends-tu? On n’a pas besoin de toi!
Aux maladroites, aux malagauches. À l’extrême centre, pelleteux de nuages qui se perdent dans les nuances. Qui retrouvent leurs idées dans aucun parti. Celles qu’on maltraite, ceux qu’on traite de conspis. Qui s’inquiétent sur le net ou dans les convois de camions. Et qui garde cette drôle d’impression. Qu’on se fout de leur angoisse et de leur gueule. Qu’on a le vertige à force de les regarder de haut. Vous n’avez pas tort, pour vrai, c’est très pas faux… On n’a pas besoin de vous!
Celle qui met tellement d’eau dans son vin, que ça goûte pu rien. Celui qui manque de dope ou de dopamine passé midi. Ceux qui peinent à se relever entre deux rechutes. Celles qui font leur temps, ceux qui le perdent en dedans. Donnacona, Joliette ou Bordeaux. Derrière le petit écran, les préjugés ou les barreaux. Aux séparés de la pandémie, aux ignorés de la CPU. Aux artistes, travailleurs autonomes. Qui ont tout misé sur l’effort, et qui ont tout perdu.
Ceux qui s’ouvrent le cœur, même si on crache dedans. Celles qui font plein de fautes en écrivant leur détresse. Ben non, Cynthia. « Ce matin, ça va vraiment mal », ça ne prend pas de s. Hey, on n’a pas besoin de toi! Ceux qui se trouvent trop communs. Vie beige, 5 pieds 7, les yeux bruns. Toujours bon dernier, qui rêverait juste une fois, d’être numéro un… Ou deux ou trois ou quatre au pire!
Pis toi qui fais un pas de trop, un pas de travers. T’as oublié de te prendre au sérieux. Entre deux bons livres, t’as écrit un mauvais couplet. Attends un peu, je connais le refrain. Passe la caravane et jappe les chiens. Si tout va mal, tout ne peut qu’aller mieux. Mais y’a des matins où l’horizon. Ne voit pas plus loin que le bout de son néant. Reste couché, passe ton tour, passe pas go, réclame rien. On n’a pas besoin de toi!
Tes deuils sont trop lourds, tu pues l’injustice. T’as perdu ta joie de vivre. Quelque part, dans un corridor de Ste-Justine. Dans les bras d’un monstre, au fond d’un bar. Attends, reprends ton souffle, ça va passer. Pis si ça passe pas, souffre, mais ne va pas te passer. Crève pas pour rien, meurt pas pour eux. Va pas te pendre au bout de ton chapelet d’échecs. Tu ne sais pas de quoi demain sera refait.
Personne n’est à l’abri d’une bonne idée, d’un grand amour. Paraît qu’on peut même apprendre à s’aimer soi-même. On n’a pas besoin de toi, on a déjà mille suicidés par année. Au Québec, plus ou moins 3 par jour, chaque jour. Un suicide toutes les 40 secondes dans le monde. Les cadavres du désespoir en surnombre, on n’a pas besoin de toi! Attends, vis encore un peu, plus fort, moins mal, autrement. Mais ne te tue pas. Peut-être que tu l’oublies, ou qu’il te reste à le rencontrer. Mais quelque part, quelqu’un a besoin de toi ».