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Cinéma

La forêt tropicale « comme on ne l’a jamais filmée »

« Ces forêts ont été calomniées. L’enfer vert, c’est un vieux poncif datant de l’époque coloniale qu’il est grand temps de faire tomber par terre, l’objectif du film, c’est de montrer à quel point c’est beau, intéressant et pas dangereux! », explique à l’AFP le botaniste Francis Hallé, inspirateur et seul personnage humain du film Il était une forêt.

Le scientifique connaît parfaitement les forêts tropicales dont il a pris l’habitude d’arpenter la canopée à bord d’un « radeau des cimes » et a su convaincre le réalisateur Luc Jacquet, oscarisé en 2006 avec La Marche de l’Empereur, de faire découvrir ces géants des tropiques.

« C’est la forêt comme on ne l’a jamais filmée », se réjouit Francis Hallé, 75 ans, qui se bat contre la « disparition de son objet d’étude » depuis les années 60.

Mais plutôt qu’un énième manifeste contre la déforestation galopante — 13 millions d’hectares de forêts, principalement tropicales, disparaissent chaque année pour être convertis en terres agricoles selon la FAO —, les deux hommes ont choisi de rendre hommage à la beauté de ces arbres et de raconter la genèse d’une forêt primaire, ces forêts jamais abîmées par l’homme qui ont aujourd’hui disparu ou presque.

Pour cette « évocation poétique et esthétique » de la forêt, tournée au Gabon et au Pérou, le « grand défi » est précisément d’avoir dû « faire un film avec des arbres, c’est-à-dire ce dont les cinéastes ont le plus peur », souligne Francis Hallé. « C’est immobile, silencieux et cela ne rentre pas dans le format du cinéma. »

Ce défi a « stimulé la créativité » du réalisateur, qui a mis au point un système de cordages sophistiqué, baptisé « Arbacam », permettant des travellings très souples le long d’arbres pouvant atteindre 70 mètres de haut, et utilisé un drone pour des vues aériennes magnifiques.

Le parti pris du film : sensibiliser le spectateur à travers l’émotion plutôt qu’un cours magistral sur la géographie ou l’économie de forêts grignotées année après année par l’exploitation du bois, l’élevage, la culture de céréales ou l’extraction minière et pétrolière…

Pour un biologiste, « aller là-haut, c’est normal », ajoute-t-il. « Dans les sous-bois, comme il y a très peu de lumière, il y a très peu de plantes donc très peu d’animaux… Tout se passe là-haut! Les branches d’arbres sont couvertes de jardins suspendus… Il y a des montagnes de fleurs là-haut », raconte Francis Hallé, toujours aussi fasciné par un monde qu’il a découvert à 22 ans en Côte-d’Ivoire.

Et de s’enthousiasmer : « Les arbres, ce sont eux qui gouvernent la forêt alors qu’ils n’ont pas de cerveau! Les animaux sont à leur service. Ils arrivent à les faire venir quand ils en ont besoin, à les chasser quand ils n’en plus besoin… Ce qu’on a voulu faire, c’est un peu une réhabilitation de la fonction de l’arbre. »