(CHRONIQUE)
La chanteuse Sia a fait ses débuts dans le cinéma en réalisant et en codirigeant le film Music attendu pour 2021, son tout premier film. Le synopsis, révélé cette année, raconte l’histoire d’une jeune femme ex-dealeuse de drogues qui devient la tutrice de sa demi-soeur adolescente, nommée Music. Cette dernière est autiste et non verbale.
La bande-annonce colorée présente majoritairement des séquences musicales du film et montre brièvement ce personnage au centre de l’intrigue. La personne qui l’interprète est non-autiste et imite les gestes qui seraient « communs » chez une personne autiste.
Bien sûr, ce n’est pas un cas isolé. De nombreux films et séries choisissent des acteur.ice.s neurotypiques pour interpréter des personnes autistes et neurodivergentes. Par exemple, dans la série The Good Doctor. Je me souviens d’ailleurs de certains articles qui disaient que c’était tellement cool qu’une série présente un personnage autiste « réaliste ».
Mais combien de fois dans l’histoire du cinéma, une personne autiste a été choisie pour interpréter une personne autiste?
Déjà, être neurodivergent.e n’est pas un déguisement. Un très grand nombre de personnes autistes se font humilier et agresser régulièrement par des personnes qui se moquent, entre autres, de leurs gestes et de leurs expressions faciales. Elles sont constamment invisibilisées ou représentées de façon très stéréotypée dans les médias par des acteurs et actrices non concernées alors que cette condition s’exprime avec une grande variété de comportements et de réalités. Il s’agit d’un constat affligeant étant donné que cet effacement découle le plus souvent de cette stigmatisation en elle-même; comme s’il était évident qu’une personne autiste n’avait en aucun cas les capacités cognitives pour jouer dans un film*, travailler ou effectuer une tâche avec succès.
La bande-annonce de Music n’y échappe pas: Je sais bien qu’il ne s’agit pas ici d’un film sur l’autisme, mais je n’ai personnellement pas senti l’importance accordée au personnage et j’ai eu plutôt l’impression que le film cherche à mettre de l’avant les chansons et la musique composées par la réalisatrice.
Après avoir reçu des critiques notamment sur Twitter, Sia s’est d’ailleurs défendue en mentionnant qu’une jeune femme autiste non verbale devait tenir le rôle de Music à la base, mais que cette dernière n’a pas apprécié l’expérience et que son choix d’actrice était malgré tout guidé par un souci de la représentation des personnes autistes. La chanteuse a également ajouté que treize personnes neuroatypiques et trois personnes trans feraient partie de son casting, que trois consultants autistes avaient travaillé sur le film et que, selon elle, les mauvais commentaires à son égard ne sont pas justifiés.
Par contre, lorsqu’une femme actrice et autiste lui a indiqué qu’elle-même ainsi que de nombreuses personnes autistes auraient pu jouer dans le film et qu’aucun effort d’inclusion n’avait été véritablement fait, Sia lui a tout simplement répondu qu’elle n’était « peut-être qu’une mauvaise actrice ». Ce qui montre toute l’étendue du problème.
S’informer, c’est la base, mais non, ce n’est pas suffisant. Pas pour une oeuvre supposée représenter une population extrêmement marginalisée et pour laquelle aucune des personnes neurodivergentes engagées n’incarne le seul personnage autiste de tout le film. Toute cette histoire me montre la fermeture et le désengagement persistant face au besoin d’inclusion des personnes neurodivergentes alors qu’ironiquement, on essaie de montrer le contraire en présentant une histoire avec un personnage autiste. Mais voilà, un personnage reste malgré tout un personnage. De la fiction. L’autisme n’est pas une fiction.
À quand la prochaine véritable inclusion de personnes neurodivergentes dans le milieu du cinéma?
*Je vous recommande sincèrement le merveilleux film québécois Gabrielle dont le personnage principal est interprété par la talentueuse Gabrielle Marion-Rivard, qui vit avec le syndrome de Wiliams.