Le Lutetia, emblématique hôtel art déco qui a abrité les services de renseignement allemands pendant l’occupation puis les déportés de retour des camps, ferme ses portes pour trois ans de travaux afin de conserver sa place sur le marché très concurrentiel des palaces parisiens.
Rendez-vous du monde littéraire, le bâtiment de sept étages construit en 1910 près de Saint-Germain-des-Prés, sur la rive gauche de la Seine, où se trouvaient les maisons d’édition de Paris, va subir une cure de jouvence sous la direction de l’architecte Jean-Michel Wilmotte. Ses collections, dont une centaine d’oeuvres d’art réalisées in situ et 8000 bouteilles de vins et de spiritueux, ont été vendues aux enchères en février.
Le groupe israélien Alrov qui l’a racheté en 2010 suit l’exemple de l’hôtel de Crillon, du Ritz et du Plaza Athénée qui ont entrepris de longs travaux de rénovation pour résister à la concurrence des chaînes asiatiques qui ouvrent des hôtels de grand luxe dans Paris.
« Le Lutetia a toujours été depuis le début du siècle un phare de la rive gauche et un lieu de mémoire par excellence pour les Français », a déclaré l’écrivain Pierre Assouline, qui lui a consacré un roman.
Le service de contre-espionnage de l’armée allemande, l’Abwehr, en fit son quartier général dès l’occupation de Paris en juin 1040, rappelle-t-il, « et c’est surtout le lieu où les déportés français sont rentrés », de juin à septembre 1945.
Le Lutetia était avant la guerre l’hôtel des écrivains, parce que c’était le seul établissement de luxe sur la rive gauche. James Joyce, Antoine de Saint-Exupéry, Roger Martin du Gard y ont séjourné, « André Gide s’y installait quand il voulait avoir la paix ».
« Après la guerre, dit-il, c’était un peu différend, parce que les écrivains avaient moins les moyens d’habiter un grand hôtel, mais c’est resté l’hôtel littéraire par excellence parce que le bar du Lutetia n’a jamais cessé, jusqu’à samedi soir, d’être un lieu de rendez-vous des écrivains et des éditeurs ».