Danie Frenette, metteuse en scène et comédienne, poursuit Gilbert Rozon au civil pour 2,2 millions de dollars, rapporte Le Devoir. Elle accuse celui qui était jadis derrière l’empire Juste pour rire de l’avoir violée en 1988 et d’avoir également utilisé sa domination sur elle afin de la harceler et de l’agresser.
Danie Frenette faisait partie du regroupement de femmes les Courageuses qui avait présenté une demande de recours collectif en 2018, une demande qui a été rejetée en 2020. Elle faisait partie des 14 femmes qui ont porté plainte à la police lors du mouvement #MeToo, en 2017.
Rappelons que depuis que Gilbert Rozon a été acquitté en décembre dernier, deux autres femmes qui étaient membres des Courageuses ont lancé une poursuite contre lui au civil. On parle de la réalisatrice Lyne Charlebois, qui le poursuit pour 1,7 million de dollars, ainsi que de l’actrice Patricia Tulasne, qui poursuit l’ancien propriétaire de Juste pour rire pour la somme de 1,6 million de dollars.
Danie Frenette admet avoir gardé le silence pendant 30 longues années sur cette agression qu’elle dit avoir subie au tout début de sa carrière. « Elle pensait que personne ne la croirait. [Gilbert Rozon] lui semblait intouchable : il avait la gloire, la richesse et des amis influents, alors qu’elle commençait dans le milieu et n’avait aucun moyen de se défendre », indique la requête rapportée par Le Devoir.
En juillet 1988, Danie Frenette était la coordonnatrice et directrice de la programmation Drôle de rue que présentait Juste pour rire. C’est cette année-là, lors d’une fête chez Rozon à laquelle madame Frenette s’est rendue dans le but de célébrer le succès de l’événement, que le viol aurait eu lieu. « Avant même qu’elle ait pu boire un verre [M. Rozon] arrive derrière elle, sournoisement […], l’agrippe par le coude et l’entraîne hors du groupe en lui disant qu’il a quelque chose d’important à lui dire ou à lui montrer », indique la requête, toujours selon Le Devoir.
Il faut comprendre que la fête se déroulait alors qu’il faisait jour, il y avait beaucoup de monde, la cour arrière était pleine et la conjointe de Rozon était présente. « Jamais elle n’aurait pu imaginer ce qui allait se produire », rapporte la requête. Le document ajoute : « Il s’arrête, lance sa veste par terre et couche [Mme Frenette] dessus ». « Gilbert, arrête, qu’est-ce que tu fais là? Pourquoi tu fais ça? Arrête, arrête, non, arrête! Non! », lui aurait dit madame Frenette.
La requête de Danie Frenette raconte aussi qu’elle s’est rendue dans un restaurant situé sur la rue Saint-Denis afin de souper avec des collègues. Après le repas, Rozon lui aurait demandé de la reconduire chez elle, ce qu’elle aurait accepté avant de réaliser qu’il ne la conduisait pas dans la bonne direction. « Elle lui demande où il l’emmène et il lui répond qu’il l’emmène à une belle place », est-il mentionné dans la requête. « [M. Rozon] la conduit jusqu’à l’île Sainte-Hélène. [Mme Frenette] se souvient qu’ils s’assoient sur un banc et continuent de discuter du travail. C’est alors que, sans son consentement, le défendeur lui prend les seins. [Elle] continue de parler sans s’arrêter pour lui changer les idées, et [M. Rozon] ne va pas plus loin », est-il écrit.
Madame Frenette aurait également été harcelée par Gilbert Rozon lors d’un voyage d’affaires à Paris. Elle aurait d’ailleurs séjourné chez une amie, plutôt qu’à l’appartement fourni par la compagnie. Rozon lui aurait téléphoné et aurait insisté pour qu’elle le rejoigne, ce qu’elle aurait refusé.
De retour au Québec, à l’automne 1988, en pleine nuit, la sonnerie du téléphone réveille Danie Frenette. « C’est Gilbert. Je suis en bas, ouvre-moi », aurait-il dit. « Encore endormie, elle lui déverrouille la porte du haut de l’escalier comme un automate, comme un robot. Elle est anesthésiée émotionnellement. [Il] monte. Tout en lui faisant des promesses de fréquentations futures, il lui saute dessus », est-il indiqué dans le document.
Madame Frenette, qui dit ne pas avoir été en mesure de refuser, « se laisse faire et lui fait même une caresse dans le dos ». Un geste que quelques semaines plus tard, Rozon réitérera avec Danie Frenette. Il lui dira que ça ne lui est « jamais arrivé qu’une femme lui fasse une caresse dans le dos comme ça ».
L’année suivante, quand Rozon aurait appris que Danie Frenette était en couple, il l’aurait fait venir jusque dans son bureau pour l’invectiver « [Il] crie de manière à ce que tout le monde entende ses propos. Il hurle qu’il veut qu’elle soit sa maîtresse », mentionne la requête, selon ce que rapporte Le Devoir. « Avec le recul, la demanderesse comprend qu’il s’agissait d’une mise en scène du défendeur pour faire croire à ceux qui l’entendraient crier qu’elle était sa maîtresse, ce qui n’avait aucun fondement. »
En août 1990, alors que son milieu de travail est devenu un « enfer total », madame Frenette annonce qu’elle est enceinte et perd son emploi, peu de temps avant d’être en congé de maternité.
« Le viol, les agressions et l’emprise du défendeur sur elle ont eu de graves répercussions sur sa vie, lesquelles se poursuivent encore aujourd’hui. Il lui arrive souvent de faire des cauchemars reliés au viol et aux autres agressions et de se réveiller en pleurant, phénomène qui s’est aggravé depuis qu’elle a dénoncé le défendeur en octobre 2017 », est-il inscrit dans la requête telle que rapportée par Le Devoir.
Danie Frenette estime que Gilbert Rozon n’exprime « aucun remords ».