Intitulée Van Gogh, le suicidé de la société, l’exposition présente 45 tableaux et sept dessins du peintre d’origine hollandaise. « Un exploit », déclare à l’AFP Guy Cogeval, le président d’Orsay, qui a obtenu de nombreux prêts.
Pendant longtemps, la légende autour de Van Gogh (1853-1890) a pris le pas sur l’art, réduisant ses toiles à l’expression d’une folie en germe ou en crise.
Après la Seconde Guerre mondiale, le galeriste parisien Pierre Loeb suggère à Artaud (1896-1948) d’écrire « sur un autre fou », Van Gogh, raconte Isabelle Cahn, commissaire de l’exposition. Pour le faire réagir, il lui envoie un extrait du livre Du démon de Van Gogh écrit par un psychiatre François-Joachim Beer, qui décortique les troubles mentaux du peintre.
L’écrivain, qui a subi 58 séances d’électrochocs entre 1943 et 1945 à l’hôpital de Rodez et dont un psychiatre aurait voulu « redresser la poésie », voit rouge. Il écrit d’un jet sur un cahier d’écolier le début de son livre Van Gogh, le suicidé de la société.
« Non, Van Gogh n’était pas fou, mais ses peintures étaient des feux grégeois, des bombes atomiques, dont l’angle de vision, à côté de toutes les autres peintures qui sévissaient à cette époque, eût été capable de déranger gravement le conformisme larvaire de la bourgeoisie » et des politiques d’alors, fustige le poète. Pour écrire son petit livre, il a visité l’exposition Van Gogh qui se tient à l’Orangerie début 1947 et s’est fait lire à voix haute les lettres du peintre à son frère Théo.
Pour Artaud, Van Gogh était d’« une terrible sensibilité ». Plusieurs autoportraits du peintre permettent au visiteur de se confronter à « sa figure ensorcelante de boucher ». « C’est le regard d’une personne qui se scrute sans complaisance, avec une lucidité extrême », relève Mme Cahn, conservatrice en chef à Orsay.