On a à peine eu le temps de finir d’écouter Portrait-robot que, déjà, Sophie Lorain et Alexis Durand-Breault nous arrivent avec un nouveau projet, Sortez-moi de moi. Comme dans la série sortie sur le Club illico le mois dernier, la nouveauté qui atterrira sur Crave cette semaine jouit de la présence de la comédienne dans sa distribution, du talent du réalisateur derrière la caméra et des efforts du couple à la production, mais en plus, le duo a ici signé les textes, bien que ce n’était pas le plan du départ. En effet, les délais de livraison demandés par le diffuseur les auront fait prendre leur plume, mais on ne s’en plaint pas.
Sortez-moi de moi — qui reprend le titre du succès de Daniel Bélanger, interprété cette fois par Sally Folk au générique — nous plonge dans l’univers des problèmes de santé mentale, un monde de plus en plus exploré dans notre télévision, comme en témoignent entre autres Cerebrum ou encore Mon fils. Dans le cas qui nous intéresse, on suit une équipe d’intervenants de première ligne en urgence de soins, soit Clara St-Amand (Sophie Lorain), Gabriel Beauregard (Bruno Marcil) et Myriam Melançon (Sandra Dumaresq). Appelés sur le terrain pour aider des gens en crise, ils amènent à l’hôpital des patients qui sont ensuite vus par la Dre Justine Mathieu (Pascale Bussières). L’un d’eux, David Ducharme (Vincent Leclerc), nouvellement diagnostiqué avec la bipolarité, tombera dans l’oeil de la psychiatre, qui développera avec lui une relation aussi secrète que compromettante.
La scène d’introduction, avec David en pleine manie, est un peu déstabilisante, à l’image de la situation. Des lumières orangées et surexposées (qu’on retrouve tout au long des épisodes), un discours déconstruit… on ne sait pas trop où se situer dans les premières minutes, comme si on souffrait nous-mêmes d’une certaine confusion. Sortez-moi de moi réussit d’ailleurs à nous faire ressentir, de la même manière, « cette pression-là, qu’on sait présente dans le milieu médical », pour reprendre les mots de Bruno Marcil durant une table ronde médiatique, la semaine dernière.
C’est là qu’on fait la connaissance de Clara et de Myriam, qu’on découvre en pleine intervention difficile, tandis que Gabriel va à la rescousse de David. Ça crie, ça brasse, c’est intense. Au point où l’une des deux intervenantes se retrouvera elle-même dans une ambulance, en plein breakdown. Parce que c’est beaucoup ce que la série explore : la santé mentale, oui, mais pas seulement celle des patients; celle des professionnels de la santé aussi. « C’est difficile pour le corps médical de rester tout le temps imperméable à ce qu’ils vivent, à ce que les autres vivent », soulignait Pascale Bussières en rencontre avec les médias. Tous les personnages, patients ou pas, bénéficieraient d’une bonne grosse thérapie.
Au centre de ce thriller, il y a les sentiments que développe la psychiatre, Justine, pour son nouveau patient David, une performance d’ailleurs assez impressionnante de Vincent Leclerc, qui, au début, nous rappelle vaguement, par sa théâtralité plutôt champ gauche, le King Dave d’Alexandre Goyette. On peut se demander à première vue ce qu’elle lui trouve avec ses cheveux en bataille et ses yeux troublés, mais on comprend en fait assez vite comment elle peut éventuellement éprouver cet attachement : il lui dit des choses comme s’il lisait son âme, et ça lui parle tellement qu’elle lui fait une confidence importante. En plus, avec un diagnostic et la médication appropriée, David retrouve rapidement la santé (du moins, un moment) et son très mystérieux boulot, qui compte pour une bonne partie du côté suspense de la série. En même temps, ce volet policier doit encore faire ses preuves, puisqu’à la vue des deux premiers épisodes seulement, il est difficile de le rattacher au reste de l’intrigue.
D’entrée de jeu, Justine a d’autres soucis que sa relation avec David, qu’on verra tranquillement naître. En effet, elle se retrouve au centre d’une enquête en déontologie, parce qu’elle a refusé de traiter quelqu’un qu’elle connaît, suivant son code, mais que cette personne a beaucoup souffert de ne pas avoir reçu de soins durant ce moment critique où elle aurait pu être aidée. Il faut dire que la médecin se retrouve partagée entre la culpabilité et une certaine satisfaction, n’étant pas spécialement entichée de la personne en question… C’est d’ailleurs cet événement qui la fera basculer et la poussera à franchir des lignes qu’elle n’aurait jamais traversées avant, notamment avec David.
À tout ça s’ajoutent les problèmes familiaux des différents personnages. Justine est en couple avec Émile (Émile Proulx-Cloutier), qui travaille aussi à l’hôpital et qui est le frère de Clara, mais aussi du personnage de Valérie Blais, en prison parce qu’il a dénoncé son crime (ce qui doit rendre les partys de famille plutôt tendus). Gabriel, quant à lui, est père d’un fils dont il a la garde partagée avec la mère, avec qui la relation est très acerbe.
La force de la série est probablement sa représentation sensible des problèmes de santé mentale. « Quelques-uns des cas sont des cas véritables, qui ont été retravaillés, restructurés, reformatés pour ne pas qu’ils soient reconnaissables », a souligné Sophie Lorain aux médias, en plus de préciser que des psychiatres ont été consultés pour contribuer au réalisme de la production. Combiné au fait que les comédiens, notamment Vincent Leclerc, étaient conscients de la difficulté de jouer ces enjeux en « dosant » bien leur interprétation, on comprend que la vérité de ces scènes était un enjeu important pour l’équipe.
Sortez-moi de moi, qui compte également Danielle Proulx et Émile Schneider dans sa distribution, sera disponible sur Crave, en français comme en anglais (Way Over Me), dès le 7 mai. Pour la bande-annonce, c’est par ici.
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